Les mollahs au tapis
Tatami, par Guy Nattiv et Zar Amir, avec Arienne Mandi, Zar Amir, Ash Goldeh (Géorgie-Etats-Unis, 1h43).
Les championnats du monde de judo féminin à Tbilissi, en Géorgie. Tête de proue de l’équipe iranienne, Leila Hosseini est coachée par Maryam Ghanbari, une ex-compétitrice qui a dû abandonner les combats au prétexte d’une blessure. D’une autre trempe, Hosseini passe les premiers tours haut la main avant que la fédération iranienne lui ordonne de déclarer forfait pour ne pas avoir à affronter la judoka israélienne, autre favorite bien lancée dans la course. Hosseini refuse et, lâchée par Ghanbari, fait face à elle-même. Sous une pression grandissante, menacée de toutes parts, tiraillée entre son ambition, sa dignité et la peur pour ses proches restés au pays – dont son mari et leur jeune fils –, jusqu’où tiendrat-elle ? « Tatami » ne s’inspire pas de faits précis mais de nombreux cas de sportives iraniennes empêchées, poussées à bout par le régime des mollahs, au point d’avoir dû choisir entre leur vie et leur patrie. La survie en Iran pour les esprits libres est un sport de combat, une bataille contre l’absurdité propre à rendre fou. L’actrice Zar Amir, interprète de Maryam et coréalisatrice du film, en sait quelque chose : elle a fui son pays en 2008 pour échapper à des années de prison après avoir vu sa carrière détruite à cause d’une vidéo intime diffusée contre son gré. Son association à un Israélien, Guy Nattiv, pour signer ce film prolonge le propos et l’affront adressé à l’abominable théocratie iranienne dont « Tatami » illustre les pernicieuses méthodes avec une efficacité toute cinématographique. Dans un noir et blanc et un style qui ne sont pas sans rappeler « la Haine » (influence revendiquée), Amir et Nattiv jouent l’unité de lieu et de temps (à trois flashback près) pour faire monter la tension, s’arriment au beau visage d’Arienne Mandi et à la colère rentrée de Leila, son personnage, bouillant de l’intérieur, luttant pour ne pas craquer, remonter sur le tatami et gagner. Plus qu’un tract politique dans le sillage du mouvement Femme, Vie, Liberté, un haletant thriller sportif qui fait froid dans le dos. (Voir aussi l’entretien p. 62.)