Etat de grâce
Lives Outgrown, par Beth Gibbons (Domino Records). En concert le 27 mai, salle Pleyel, Paris-8e.
Trente-trois ans que Portishead inventait le trip-hop avec Tricky et Massive Attack, un quart de siècle que le trio de Bristol enregistrait avec un orchestre symphonique le live du Roseland Ballroom à New York (une édition anniversaire avec cinq inédits sort chez Universal) et vingt-deux ans que sa chanteuse Beth Gibbons publiait avec Rustin Man (alias Paul Webb, bassiste de Talk Talk) un album intemporel, « Out Of Season ». Voix douloureuse – orage immobile, éclairs de spleen –, un chef-d’oeuvre de soul blanche.
Il a fallu ces années de maturation pour que Gibbons achève un nouveau disque, « Des vies dépassées », dix chansons du milieu de la vie,
« le temps des adieux à la famille, aux amis et ce qu’[elle] étai[t] »,
qui reflètent la ménopause, les dépressions, les nuits d’insomnie. Plongée en eau profonde en ouverture
(« Si je pouvais modifier mes sensations/Si je pouvais guérir mon corps/Le libérer de tout ce que j’entends à l’intérieur »),
éclaircies solarisées de « Floating on a Moment » (« Sur le chemin/Avec ma curiosité insatiable/Au-delà de la vie ») où l’on entend le choeur de ses enfants, tempêtes boréales de « Beyond the Sun », qui évoque la chanteuse britannique folk rock Sandy Denny sur « The Battle Of Evermore » avec Led Zeppelin, murmures d’amour de pure lumière. Pour s’éloigner des beats en boucle, elle a coécrit l’album dans sa grange du Devon avec l’ancien batteur de Talk Talk, Lee Harris, qui le définit ainsi :
« Une vibration pastorale psychédélique, une douce explosion. » Bien vu.