La truelle, la fourchette et l’académicienne
L’Or des rivières, par Françoise Chandernagor, Gallimard, 304 p., 21 euros.
Sans doute fallait-il un certain toupet pour évoquer, dans le titre d’un livre consacré à l’une des régions les plus pauvres de France, le métal précieux qui orne d’ailleurs si joliment la rivière de son nom. Mais Françoise Chandernagor, huitième couvert à l’Académie Goncourt (depuis 1995), aime la Creuse, département délaissé passant souvent pour le pot de chambre de la France (le « château d’eau », dit-elle plus dignement). Du plus loin qu’elle s’en souvienne, on a été maçon chez les Chandernagor. Ce qui n’a pas empêché son père, né dans la Vienne, de devenir président de la Cour des Comptes, député, ministre et conseiller général. Quant à elle, outre la vingtaine d’ouvrages qu’elle a signés (dont « l’Allée du roi », en 1981), que fait-elle dans la vie ? Des allers et retours. Et c’est peut-être dans un wagon de cette ligne où l’on bat des records de lenteur, de ParisAusterlitz à La Souterraine, qu’elle a écrit ce bel autoportrait en écrivaine à la campagne. Elle y raconte son enfance dans ces terres bocagères et évoque le poète du xviie siècle originaire de la Marche (ancien nom de la Haute-Vienne), Tristan L’Hermite. Elle se souvient d’un voyage en traction qu’elle effectua avec son père dans ce château de Nohant où vivait naguère la terrible George Sand, et dont elle prit la petite-fille pour la célèbre écrivaine. Elle se désole de voir les effets du réchauffement sur ses figuiers nouvellement plantés, et craint de voir les chênes y passer également. Mais le danger qui pèse, ce sont surtout ces Parisiens en quête de verdure et l’inquiétante procession des zadistes qui veulent faire un champ de bataille de sa terre limousine. Qu’ils y viennent ! Plus déterminée que jamais à défendre son pays d’élection, Françoise Chandernagor se tient prête, armée de la truelle de ses ancêtres et de sa fourchette de chez Drouant.