RIRE MONSTRE
TONNERRE SOUS LES TROPIQUES
Comédie américaine de Ben Stiller (2008). Avec Ben Stiller, Robert Downey Jr., Jack Black. 1h48.
A ses débuts de comédien à Broadway en 1986, Ben Stiller (photo, au centre) a concocté un faux documentaire fort remarqué sur les coulisses de la pièce (sérieuse) qu’il jouait. De quoi forcer son destin : c’est en égratignant les manies et travers des moeurs du cinéma qu’il s’imposera un peu plus tard dans le prestigieux vivier comique du « Saturday Night Live ». Sorti en 2008, « Tonnerre sous les tropiques » revient naturellement à ce genre parodique qui l’a fait roi. C’est l’histoire du tournage cauchemardesque d’un film sur la guerre du Vietnam dont Stiller moque à la fois les images grandiloquentes et l’ego boursouflé de superstars méchamment débiles – mention spéciale à son propre personnage de simili Bruce Willis, au QI à deux chiffres. Dépassé par les caprices de son trio de vedettes, le réalisateur truffe la jungle de caméras et y jette son casting de grosses têtes en mission commando. Inconscient que la réalité se substitue à la fiction avec l’arrivée d’un vrai gang de narcos armés jusqu’aux dents, le premier (Stiller) perd son honneur d’Action Man de pacotille. Le deuxième, champion de l’humour gras (Jack Black), lutte à grand-peine contre sa kyrielle d’addictions. Quant au troisième (Robert Downey Jr.), apôtre zélé de l’Actors Studio (gag indépassable : il s’est fait surpigmenter la peau pour camper un soldat afro-américain), il se révèle aussi navrant que ses congénères. Par-delà le rire que « Tonnerre sous les tropiques » provoque grâce au génie de ses acteurs mais aussi par une mise en scène saturée d’énergie, le film trimballe une brutalité et un cynisme dont on devine les ramifications profondes et sérieuses. La superficialité congénitale de ce milieu de prédateurs ridicules le dispute à son effrayante voracité : chacun des personnages est comme amputé de la moindre spontanéité, hormis la volonté permanente d’épate. En témoigne l’abattage du producteur surpuissant sous les prothèses duquel se cache un Tom Cruise déchaîné : il y exprime toute l’arrogance et la mégalomanie replète d’un petit homme devenu monstre à force d’aliénation.