“La connaissance scientifique ne doit pas quitter ce réseau”
Votre compte X [ex-Twitter] est en partie consacré aux questions environnementales et notamment au dérèglement climatique. Avez-vous songé à le fermer depuis qu’Elon Musk en a pris les rênes ?
Non, car X reste un instrument d’échanges très performant et une plateforme de communication extrêmement visitée. Je possède aussi un compte Bluesky, mais le fait est qu’il est moins suivi, et moins maniable pour les documents que j’utilise. X est extrêmement fréquenté par les enseignants, les étudiants et les journalistes, des communautés qu’il me semble important de toucher pour expliquer les faits démontrés par la recherche. Je crois qu’il ne faut pas que la connaissance scientifique quitte ce réseau social, car quelle ressource restera-t-il ? Des comptes qui font passer des opinions pour des faits. Or, sur des questions comme le climat, les ressources naturelles – mais cela vaut pour l’immigration, le racisme, l’égalité hommesfemmes… –, on a besoin d’appuyer le débat démocratique sur des faits.
En tant que femme et scientifique, n’avezvous pas eu à subir du cyberharcèlement ?
J’y ai échappé, me semble-t-il, en faisant un usage raisonné de X. Quand j’y poste quelque chose, je « mute » [place sur silencieux] les notifications au bout d’une heure. Parce que la première heure, les interventions sont généralement constructives,
mais celles qui viennent ensuite ne le sont pas – quand elles ne sont pas tout bonnement insultantes. Pas la peine de les lire. Par ailleurs, quand une personne dit n’être pas d’accord avec mon propos, je vérifie son profil : si elle semble appartenir à la sphère climatosceptique, complotiste ou liée à l’extrême droite, je ne perds pas mon temps à répondre, car elle refuse l’argumentation rationnelle. Enfin, je prends bien garde à ne pas mélanger les faits scientifiques que j’essaie de vulgariser, dont je donne toujours les sources, aux opinions que je peux émettre en tant que citoyenne. Dans ce dernier cas, je précise « (opinion) ». Les discussions partent ainsi sur des bases claires. On ne débat pas des faits. En revanche, on s’appuie sur les faits pour débattre.
On peut donc avoir des échanges constructifs sur X ?
Absolument. Et j’espère, sur des questions compliquées, avoir éclairé des gens qui, par exemple, doutaient du dérèglement climatique, mais étaient sincèrement désireux d’en savoir plus. Il me semble aussi que je lutte, à mon petit niveau, contre l’écoanxiété, qui se nourrit parfois d’un sentiment de ne pas comprendre ce qui se passe. Pour tous ces échanges, X reste un médium précieux. Au fond, ils ressemblent un peu à ce que je fais en classe en tant qu’enseignante : transmettre, partager, construire. Propos recueillis par