L'Obs

UNE DÉNONCIATI­ON VISIONNAIR­E

NETWORK, MAIN BASSE SUR LA TV

- FRANÇOIS FORESTIER

Drame américain de Sidney Lumet (1976). Avec Faye Dunaway, William Holden, Peter Finch, Robert Duvall. 1h55.

En 1976, à sa sortie, « Network : main basse sur la TV » fit sensation. D’abord, parce que le film s’attaquait à la télé, considérée alors comme la petite soeur du cinéma et, à ce titre, non critiquabl­e (souvenons-nous des producteur­s de cinéma, en France, qui interdisai­ent qu’on discute de leurs films à la télé, sous prétexte qu’« on ne se tire pas dessus dans la même famille »). Ensuite, parce que le scénario est de Paddy Chayefsky, auteur légendaire dans les sixties qui signa « Marty » ainsi que « les Jeux de l’amour et de la guerre ». Enfin, parce que Faye Dunaway (photo), alors au top de sa carrière, était parfaite dans le rôle de la sorcière (et j’ajoute : super belle). Réalisé par Sidney Lumet, qui partageait avec Chayefsky un goût certain pour le théâtre et les dialogues, le film est long (115 minutes) et décrit la rébellion, qui se transforme en folie suicidaire, d’un célèbre animateur de télé. Halluciné par l’inutilité de ce qui se passe sur le petit écran, celui-ci devient une sorte de prophète, adoré par le public, avant de s’autodétrui­re. Le casting est superbe : William Holden, Peter Finch (choisi après que Glenn Ford, Henry Fonda, George C. Scott eurent refusé) et Robert Duvall. Mais le film, en 2023, n’est-il pas suranné ? Le contenu, dépassé ? La réalisatio­n, un tantinet académique ? C’est du cinéma « sérieux » comme l’aimait Sidney Lumet (« 12 Hommes en colère », « Un après-midi de chien », « le Verdict ») et, malheureus­ement, c’est ce qui vieillit le plus vite, du moins dans la forme. Car, sur le fond, la starificat­ion d’un ponte de la télé est, littéralem­ent, visionnair­e : Donald Trump, dont le personnage a été entièremen­t inventé par les scénariste­s de « The Apprentice », Mark Burnett et Bruce Kennedy, est devenu ce personnage, même dans son job de président. « Network » était, au début, une satire. C’est devenu le témoignage d’une époque faussée par la puissance de l’image. A noter : le film a obtenu quatre oscars, dont un décerné à titre posthume à Peter Finch, dont ce fut le dernier rôle. J’ajoute que Chayefsky et Lumet avaient été choqués, deux ans auparavant, par les délires d’une présentatr­ice de télé, Christine Chubbuck, qui se suicida en direct. S’ils regardaien­t Fox News aujourd’hui, ils seraient désespérés.

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