Une soirée-débat sur l’affaire France Télécom, symbole de la souffrance au travail
La Ligue des Droits de l’Homme de Pont-Audemer Bernay organise, ce vendredi 15 mars, au cinéma de Pont-Audemer, une soirée-débat sur le procès France Télécom, en présence de l’ancien syndicaliste Patrick Ackermann.
Le 30 septembre 2022, la Cour d’appel de Paris condamnait à un an de prison avec sursis l’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard et l’ex-numéro 2 Louis-Pierre Wenès pour harcèlement moral institutionnel. Des peines inférieures au premier jugement en première instance, qui prévoyait quatre mois ferme. Mais cette affaire devient le symbole de la souffrance au travail. Entre 2008 et 2011, l’Observatoire du stress et des mobilités forcées (créé par les syndicats CFE-CGC et Sud-PTT) recense une soixantaine de suicides et une quarantaine de tentatives à la suite de la politique de management mise en place en 2005 par la direction pour forcer 22000 salariés à quitter leur emploi.
Ancien salarié et syndicaliste SUD-PTT, Patrick Ackermann fut l’un des grands acteurs de ce procès. Le vendredi 15 mars, à l’initiative de la Ligue des Droits de l’Homme, une soirée-débat est organisée à 20 h 30 au Ciné de Pont-Audemer. Sorti en 2023, le film documentaire « Par la fenêtre ou la porte » qui relate l’affaire France Télécom sera projeté et Patrick Ackermann répondra en deuxième partie de soirée aux questions du public. Le titre du film fait référence à la terrible phrase prononcée en 2006 par l’ex-PDG Didier Lombard, pour évoquer sa volonté de supprimer 22000 emplois : « Je les ferai d’une façon ou d’une autre, par la fenêtre ou par la porte. »
Les conséquences d’une privatisation
Le documentaire est né de la volonté de syndicalistes dont Patrick Ackermann de raconter ce scandale via celles et ceux qui l’ont vécu. « Un livre intitulé La raison du plus fort avait déjà été publié à l’issue du premier procès », rappelle l’ancien syndicaliste. Grâce à des images d’archives, des interventions d’anciens salariés, mais aussi d’intellectuels (sociologues, écrivains, avocats…) présents lors du second procès, le film retrace une tragédie sociale et le long combat syndical mené contre la direction de France Télécom. « Ce procès a duré quatre ans. Il y a eu 39 parties civiles. La justice a fait un travail énorme », assure Patrick Ackermann qui regrette néanmoins l’allègement de la peine en appel. « D’un point de vue général, on est plutôt satisfait, mais la peine a été apaisée. Et pour celles et ceux qui ont perdu un membre de leur famille, c’est difficile. » La lutte n’est pas finie car les anciens dirigeants ont formé un pourvoi en cassation.
Le documentaire retrace également l’histoire de France Télécom et notamment la privatisation de l’entreprise en 2004, entraînant une dégradation des conditions de travail. Bien que privatisée et déterminée à réaliser des économies pour faire face à la concurrence, la direction ne peut licencier des salariés qui restent fonctionnaires. Nommé en 2005, le PDG Didier Lombard trouve alors une solution : imaginer un management « par la terreur » pour pousser les salariés à partir. Suite à la vague de suicides, le syndicat SUD porte plainte en 2007 contre l’entreprise.
Pour Patrick Ackermann, ce film doit aujourd’hui pousser les dirigeants politiques à faire évoluer la loi sur le harcèlement dans le monde du travail : « On souhaite qu’il y ait un durcissement pour les dirigeants d’entreprise condamnés. Que les peines de prison et les amendes soient augmentées. » Il critique aussi la suppression en 2020 des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) dont les missions sont désormais intégrées au Comité social et économique (CSE) : « Le CHSCT avait la compétence d’agir en justice pour demander une expertise sur les conditions des restructurations, les conditions de travail, de santé… S’il n’y avait pas eu d’expertises par le CHSCT, il n’y aurait pas eu de procès », conclut l’ancien syndicaliste.
■ Soirée-débat vendredi 15 mars à 20 h 30, au Ciné de Pont-Audemer. Projection du film « Par la fenêtre ou par la porte », réalisé par JeanPierre Bloc. Le débat sera animé par Patrick Ackerman. Tarif : 5,70 €.