L'Éveil de Pont-Audemer

« René Guy Cadou, mon frère d’âme »

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Romancier, nouvellist­e, poète, mais aussi grand connaisseu­r de l’oeuvre de René Guy Cadou, Philippe Delerm évoque le lien quasiment filial qui le relie au poète mort à la fleur de l’âge. Il se confie aussi sur son amitié avec Hélène, épouse et muse de Cadou, elle-même auteure d’une importante oeuvre poétique.

« René Guy Cadou est mort dans la nuit du 20 mars 1951. Il avait à peine 31 ans. Je suis né en 1950. Entre nous, il y a pourtant bien davantage que du silence et de l’absence. Tout le mérite en revient à l’oeuvre de Cadou bien sûr, mais aussi à une magicienne nommée Hélène, qui nous a quittés en 2014. Hélène rencontra René Guy à Clisson (Loire-Atlantique) le 17 juin 1943. Avec des amis étudiants, elle souhaitait rencontrer René Guy, qui avait déjà publié plusieurs recueils de poèmes. Une histoire d’amour à la fois courte et éternelle allait commencer là. De 1945 au décès de René Guy, les deux jeunes mariés vivront dans l’école de Louisfert (Loire-Atlantique), cinq années magiques de partages, d’amitié, de création surtout. Hélène entendait la voix de René Guy qui faisait classe, par delà la cloison. Il avait hâte d’en avoir fini, tant il sentait son temps compté », développe Philippe Delerm. Avant d’ajouter : « Ma vie commence à cinq heures du soir, écrivait-il. »

Pour Philippe Delerm, « la rencontre avec l’oeuvre de Cadou fut aussi forte que l’émotion ressentie à la lecture du Grand Meaulnes d’Alain-Fournier. Les petites écoles de campagne ont un pouvoir poétique infini. Être enfant d’instituteu­r, partager l’effervesce­nce des récréation­s, puis devenir au soir seigneur des lieux dans la salle de classe désertée, y connaître la fièvre des premières lectures, attendre quelque chose sans trop savoir quoi. »

La vieille classe de mon père, Pleine de guêpes écrasées, Sentait l’encre, le bois, la craie, Et ces merveilleu­ses poussières, Amassées par tout un été. « Ces vers de René Guy que des millions d’enfants ont appris par coeur, je les ai pris pour moi. Plus tard j’ai découvert l’exigence de Cadou, toujours indissocia­ble de la pureté de son chant, dans un poème comme Hélène, à mes yeux le plus beau poème d’amour qui soit au monde : Je t’attendrai Hélène, A travers les prairies, A travers les matins de gel et de lumière, Dans la cage de pierre où ton épaule fait son nid », cite l’écrivain.

« Mon premier roman publié, La cinquième saison, emprunte son titre et son exergue à un poème de Cadou. A l’époque mélancoliq­ue où j’envoyais en vain mes manuscrits par la Poste, j’en envoyai le texte à Hélène. La lettre qu’elle me répondit m’assurait de l’estime de René Guy au-delà du temps. Ce fut aussi le début d’une profonde amitié entre Hélène, ma compagne Martine et moi. C’est un peu étrange, mais Martine et moi, nous nous considéron­s un peu comme les enfants qu’Hélène et René Guy n’ont jamais eus », conclut Philippe Delerm.

 ?? ?? Philippe et Martine Delerm seront les invités d’honneur du Printemps de poètes, événement qui aura lieu à la médiathèqu­e de Saint-Philbert-sur-Risle le 22 mars prochain. D.R
Philippe et Martine Delerm seront les invités d’honneur du Printemps de poètes, événement qui aura lieu à la médiathèqu­e de Saint-Philbert-sur-Risle le 22 mars prochain. D.R

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