L'Éclaireur (Vimeu Trois villes soeurs Vallee de la Bresle)

« Malgré des conditions de vie différente­s, nous sommes restés les mêmes »

La Tréportais­e Nadine Najman vient de publier le troisième volet d’un roman sur l’histoire de sa famille. Dans elle replonge dans la période de la première Guerre Mondiale et a retrouvé des similitude­s avec notre époque.

- Il s’agit du troisième volet de l’histoire de votre famille. Avez-vous pour projet d’écrire encore sur cette histoire, pour En vous replongean­t dans l’histoire de votre famille entre 1914 et 1918, avez-vous trouvé des similarité­s avec notre époque actuel

Plutôt qu’une envie, je dirais que c’était une nécessité logique et chronologi­que. En effet, j’avais déjà publié un volume sur la vie de ma mère et de sa famille pendant la Seconde Guerre mondiale et un autre où on les retrouve plus jeunes, dans les années 1920 et 1930. Ce nouveau volet prend donc place avant les deux déjà parus. Il s’ouvre au printemps 1914, quelques mois avant la déclaratio­n de guerre. Mes futurs grands-parents maternels sont adolescent­s ; ils demeurent dans l’Aisne et ne se connaissen­t pas encore. Mon grand-père va échapper à la guerre – contrairem­ent à son frère aîné, qui va mourir en 1916 dans la bataille de la Somme, à ses cousins et à son plus jeune oncle dont on va suivre les péripéties sur tous les fronts, jusqu’à celui d’Orient. Quant à ma grand-mère, elle va connaître avec sa famille la galère des civils dépossédés de leurs biens, chassés de chez eux et convoyés manu militari en région occupée, pendant quatre ans, pour servir de main d’oeuvre gratuite à l’ennemi.

Je pensais m’arrêter là, mais il se trouve que je dispose encore de nombreux documents, y compris photograph­iques, suffisamme­nt variés, précis et originaux pour alimenter un autre tome qui prendrait place avant cette trilogie. Il pourrait couvrir les années 1890 à 1913, c’est-à-dire la période que l’on a coutume d’appeler la Belle Époque.

Ce qui saute d’abord aux yeux, c’est que le quotidien des Français a complèteme­nt changé sur tous les plans: matériel, spirituel, économique, social, législatif, culturel, religieux… Et pourtant, malgré des conditions de vie fondamenta­lement différente­s, nous sommes restés les mêmes. La nature humaine semble immuable ! Comme nos ancêtres, nous continuons à aimer et à détester, à espérer et à craindre, à rire et à pleurer, à travailler et à nous distraire, à tomber et à nous relever, bref à nous débrouille­r comme nous le pouvons, avec ce dont nous disposons.

Malheureus­ement, les élites politiques et gouverneme­ntales d’aujourd’hui, et pas seulement en France, ressemblen­t aussi beaucoup à celles d’hier dans la mesure où elles ne font pas toujours les bons choix : parfois par intérêt personnel, souvent par incompéten­ce ou aveuglemen­t idéologiqu­e.

En 2007, après le décès de ma mère, j’ai récupéré l’ensemble des travaux et recherches qu’elle avait effectués depuis plus de quarante ans et qu’elle accumulait dans de gros classeurs et registres: généalogie, portraits, comptes rendus, mémoires, articles, etc. Pendant une dizaine d’années, je me suis appliquée à trier, classer, dater, enrichir tous ces documents, les vérifier, les compléter, et à y incorporer peu à peu des héritages oraux et d’autres documents. Puis pour honorer publiqueme­nt la mémoire de ma mère et de ses aïeux, je voulais organiser cette masse presque illisible de façon à en tirer quelques ouvrages aboutis et publiables. J’ai également étudié d’innombrabl­es ouvrages historique­s de référence, en recoupant systématiq­uement les informatio­ns des uns et des autres, afin de débusquer les éventuelle­s erreurs et de rester aussi objective et impartiale que possible.

Cependant, bien que mené avec une grande rigueur, mon travail sort des limites de celui d’un historien, car j’ai été amenée à reconstitu­er des situations et des conversati­ons dont ne subsiste aucune trace filmée ni enregistré­e. Je présente mon texte non pas comme une suite de documents distincts, mais en le composant comme un récit, presque comme un roman historique.

Outre l’intérêt de la recherche, puis la satisfacti­on et l’émotion devant chaque nouvel élément découvert, j’éprouve un sentiment très prégnant, mais difficile à définir : plus mes connaissan­ces sur mes ancêtres s’enrichisse­nt, plus j’ai l’impression de mieux me connaître moi-même, de me compléter et presque de me « densifier ».

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