Le coordinateur des opérations de paix des Nations unies met en garde contre une escalade au Moyen-Orient
est particulière‐ ment préoccupé par les attaques me‐ nées par le Hezbollah, soutenue par l'Iran, contre Israël depuis le sud Li‐ ban - sur la ligne bleue délimitée par les Nations unies - et par les
actions du gouvernement de Benjamin Neta‐ nyahu chez son voisin du nord, y com‐
pris à Beyrouth, la capitale.
Le diplomate s'est récemment rendu dans la région et a parlé à Euro‐ news de la nécessité d'une désesca‐ lade politique, avant de participer au Conseil des ministres de la défense de l'UE à Bruxelles vendredi.
"Je suis particulièrement attentif à la situation de notre mission FINUL (mission de maintien de la paix des Nations unies au Liban) et le risque d'escalade reste très, très sérieux. Nous parlons d'escalade régionale parce que cette situation à Gaza, et plusieurs autres situations au MoyenOrient, sont toutes très interconnec‐ tées", a expliqué le haut diplomate français, qui rencontre tous les six mois les ministres de l'Union euro‐ péenne chargés de ce portefeuille.
Depuis qu'Israël a commencé son opération militaire dans la bande de
Gaza à la suite de l'attaque terroriste du Hamas le 7 octobre dernier, plu‐ sieurs incidents ont démontré la pos‐ sibilité d'extension du conflit aux pays voisins.
Le plus important est l'Iran, no‐ tamment en raison de son soutien aux milices, non seulement au Liban, mais aussi au Yémen, en Irak et en Sy‐ rie. Ces milices ont multiplié les at‐ taques, qu'elles justifient comme des représailles aux opérations israé‐ liennes dans la bande de Gaza et dans d'autres territoires palestiniens.
"Nous avons assisté à des épi‐ sodes de représailles qui contribuent à maintenir un risque élevé d'esca‐ lade régionale au-delà de ce que nous voyons déjà à Gaza. Il est donc évident que les efforts en cours pour les pourparlers de paix à Gaza sont extrêmement importants", explique Jean-Pierre Lacroix.
Les risques de représailles de l'Iran
Dans le sillage de la guerre actuelle à Gaza, l'un des moments les plus ten‐ dus entre Israël et l'Iran a eu lieu au printemps, lorsque les frappes aé‐ riennes israéliennes sur Damas, la ca‐ pitale syrienne, le 1er avril, ont tué des fonctionnaires iraniens qui se réunissaient dans un bâtiment diplo‐ matique.
Deux semaines plus tard, l'Iran a lancé sa première attaque directe sur le territoire israélien, avec un barrage de 300 missiles et drones, presque tous repoussés par les systèmes de défense aérienne (Tel-Aviv a bénéficié de l'aide des moyens militaires améri‐ cains dans la région).
L'Iran est évidemment un acteur important dans la région, qui parti‐ cipe de différentes manières aux dis‐ cussions en cours pour tenter de par‐ venir à la paix. Jean-Pierre Lacroix Se‐ crétaire général adjoint et Chef des opérations de maintien de la paix aux Nations unies
Il y a eu d'autres cas de victimes civiles, mais la situation s'est aggra‐ vée lorsque Ismaïl Haniyeh, un haut responsable politique du Hamas, a été tué à Téhéran le 31 juillet dernier, où il s'était rendu pour assister à l'in‐ vestiture du nouveau président ira‐ nien,
Le gouvernement israélien n'a pas confirmé, mais n'a pas non plus nié sa responsabilité dans l'explosion qui a tué le dirigeant dans sa chambre
Masoud Pezeshkian.
d'hôtel.
Le lendemain, les États-Unis ont renforcé leur déploiement militaire au Moyen-Orient,
alors que l'Iran pro‐ mettait de riposter contre Israël.
Près d'un mois plus tard, la menace ne s'est toujours pas concrétisée, mais l'ONU s'inquiète.
"L'Iran est évidemment un acteur important dans la région, qui parti‐ cipe de différentes manières aux dis‐ cussions en cours pour tenter de par‐ venir à la paix. Après ce qui s'est passé à Téhéran, il y a des spécula‐ tions sur une éventuelle réaction de l'Iran, mais je ne vais pas y contri‐ buer", affirme le Secrétaire général adjoint des Nations unies.
Quel avenir pour Gaza après le cessez-le-feu ?
Plusieurs membres du Conseil de sé‐ curité de l'ONU évoquent la possibi‐ lité de créer une future mission de maintien de la paix à Gaza. Mais M. Lacroix estime que "c'est prématuré", car cela nécessiterait l'accord des par‐ ties impliquées, directement et indi‐ rectement, dans le conflit, et le vote unanime des cinq membres perma‐ nents du Conseil de sécurité de l'ONU (États-Unis, Russie, Chine, France, Royaume-Uni).
Mais il y a une autre condition im‐ portante pour le diplomate : "Toute présence d'une tierce partie - et cela s'applique certainement aux missions de maintien de la paix de l'ONU - doit également être acceptée par les com‐ munautés locales, par les parties lo‐ cales. Elles doivent considérer que la mission aura un impact positif sur leur vie".
À la demande de l'Union euro‐ péenne et d'autres puissances, Israël vient d'accepter trois pauses dans les combats à Gaza, à partir de la se‐ maine prochaine, afin de permettre une campagne de vaccination contre la polio, pour environ 640 000 en‐ fants.
Lorsqu'il s'agit de missions de paix, les États membres devraient ap‐ porter un soutien politique plus im‐ portant, en plus de l'envoi de soldats.
Les missions de paix n'ont pas d'ob‐ jectifs militaires, mais politiques, Jean-Pierre Lacroix Secrétaire général adjoint et Chef des opérations de maintien de la paix aux Nations unies
Mais les négociations en vue d'un accord de cessez-le-feu à long terme,
proposé par les États-Unis et négocié avec l'aide du Qatar et de l'Égypte, sont toujours dans l'impasse.
M. Lacroix considère que les pauses vaccinales représentent un "effort humanitaire important, à très court terme", mais répète que seule une cessation totale des hostilités ré‐ duira le risque d'extension du conflit dans la région, raison pour laquelle l'Union européenne doit maintenir une pression diplomatique.
"L'UE et plusieurs de ses États membres contribuent politiquement et avec des troupes aux opérations de maintien de la paix au Moyen-Orient. Je remercierai les ministres pour cela, mais je soulignerai également qu'ils jouent un rôle important en soute‐ nant les efforts de détente, qui sont extrêmement importants", a-t-il dé‐ claré.
Quel avenir pour le multilatéra‐ lisme ?
L'ONU organisera un sommet sur l'avenir les 22 et 23 septembre à New York, dans le but de dégager un consensus entre les 193 pays pour renforcer le multilatéralisme et les ré‐ ponses collectives aux défis de la paix et de la sécurité, du désarmement, du changement climatique et du déve‐ loppement durable.
"Lorsqu'il s'agit de missions de paix, les États membres devraient ap‐ porter un soutien politique plus im‐ portant, en plus de l'envoi de soldats. Les missions de paix n'ont pas d'ob‐ jectifs militaires, mais politiques, et doivent être soutenues par d'autres outils tels que la lutte contre la désin‐ formation, les activités criminelles transfrontalières et le changement cli‐ matique, qui alimentent de plus en plus de conflits", conclut Jean-Pierre Lacroix.