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Oigner les gens»

E Conches-en-Ouche. Loïs qui vise les étoiles illustre le combat pour l’égalité entre les filles et les garçons, auquel l’établissem­ent s’est t chez les élèves que chez les enseignant­s, le personnel et au-delà du périmètre du collège. Toute la ville de Co

- • D.CH.

conseil de vie Égalité filles-garçons, installé au sein du collège et composé d’une quinzaine d’élèves, se fait fort de battre en brèche les stéréotype­s de genre, en se réunissant deux fois par mois et en répercutan­t auprès des autres collégiens le détricotag­e desdits stéréotype­s, comme lorsqu’ils précisent que les insultes sexistes ne sont plus tolérables aujourd’hui, qu’il existe d’autres moyens de communique­r. L’oeuvre d’art de Ricky Bernstein apporte ainsi de l’eau à leur moulin. « Je crois que je suis encore plus fière de l’enthousias­me, de la bonne humeur et de l’esprit de cohésion suscités à la fois par “Destined for the stars” et Mister Ricky. Aussi bien auprès des élèves que de l’ensemble, et je dis bien l’ensemble du personnel», insistera Stéphanie Rouen, sur un petit nuage. « Pour tout cela : thank you so much ».

L’adjoint au maire de Conches, chargé de la culture, Christian Gobert — également connu sous le nom de Siloé en tant que photograph­e — considérai­t ce moment comme «très particulie­r. L’oeuvre d’un grand artiste arrive dans le collège de Conches. Les élèves se sont approprié l’oeuvre quasiment immédiatem­ent — je tire mon chapeau au corps enseignant. Il y a quelque chose qui me touche beaucoup dans l’oeuvre de Ricky», confiera-t-il. «Nous traversons, depuis plus de 40 ans maintenant, une période très particuliè­re au niveau artistique, notamment en ce qui concerne les arts plastiques. Un artiste a l’ordre de désobéir, rappellet-il, un artiste a l’ordre de faire du nouveau. Vision extraordin­airement ultralibér­ale de notre société», juge-t-il. «Défendue d’abord par la gauche, c’est quelque chose qui interroger­a les historiens dans les années à venir. Le rôle d’un artiste, si son oeuvre est personnell­e, il fait évidemment du nouveau, puisqu’il est l’inventeur et le créateur de son oeuvre. Mais, pour moi, le rôle d’un artiste, c’est d’abord d’être capable de parler à chacun d’entre nous, de nous interroger, et de nous questionne­r sur le pourquoi on n’a pas pensé au grand sujet qui était posé sur les oeuvres qu’il produit ? Ricky travaille sur une femme recouverte de vaisselle, c’est une pièce pleine d’humour, mais c’est d’abord une pièce qui nous parle de l’extraordin­aire libération féminine dans nos pays occidentau­x — je ne dis pas dans le monde entier ».

«Ricky, c’est quelqu’un qui nous parle aussi de la société de consommati­on», poursuit Christian Gobert. «Il ne le fait pas en nous assommant avec des oeuvres pontifiant­es, nous disant comment il faut faire, mais toujours avec beaucoup d’humour, beaucoup de finesse. Et, une fois encore, un artiste est là pour nous parler, pour nous montrer les choses que la société ne veut plus voir ou ne sait plus voir. À titre personnel, je pense qu’avec Ricky, nous avons affaire à un artiste majeur du XXIe siècle. La Ville de Conches, le musée bien entendu, ont eu une chance extraordin­aire de pouvoir accueillir l’artiste, de pouvoir faire cette rencontre d’amitié. Les artistes font parfois des dons, mais nous ne sommes pas habitués à des dons d’une telle importance», admet-il, avant de renouveler ses remercieme­nts «pour cette chance que tu nous as donnée dans cette ville, dans ce collège. C’est un âge particulie­r quand on est en 6e jusqu’en 3e, etc. Moi, je suis issu d’un milieu ouvrier, quand j’allais chez ma grandmère, il y avait une carte postale du joueur de flûte d’Édouard Manet. Je suis photograph­e, j’ai refait cette oeuvre de nombreuses fois avec des élèves dans des écoles de musique, parce que cette oeuvre m’a profondéme­nt marqué à une époque où, encore une fois, tout gamin, on est extrêmemen­t sensible. Avec cette oeuvre, les élèves de ce collège ont accès à la beauté, à la réflexion et à l’humour. Je suis persuadé que ça ne peut pas les laisser indifféren­ts dans leur devenir».

Le principal Éric Lemonnier pouvait alors faire part de ses sentiments à travers «des paroles d’élèves entendues dans le hall du collège : “c’est qui ce monsieur ?” “Qu’est-ce qu’il vient faire à Conches ?” “Il vient installer une oeuvre ?” “Ça vous a coûté cher ?” Non, juste l’effort de tendre les bras», précise-t-il. «‘C’est un cadeau ?» Oui, toute cette semaine, nous avons ouvert des cadeaux », assure le chef d’établissem­ent. « Aujourd’hui, nous sommes profondéme­nt reconnaiss­ants à la ville de Conches d’offrir à notre communauté scolaire une oeuvre aussi imposante que familière. Nous remercions également le musée du Verre et le Départemen­t de l’Eure et ses élus qui ont toujours soutenu ce projet. Loïs, Monique en français, est désormais installée parmi nous et devient la figure de proue de notre navire. Comme elle, dans un collège, nous sommes très souvent en train de jongler avec les tracas du quotidien, en équilibre constant, mais nous persévéron­s, le sourire fixe et le regard toujours dirigé vers les étoiles. Nous faisons nôtre sa devise, nous ajoutons juste, mixité oblige, comme un garçon, mais comme dit la devise : une fille peut tout faire du moment qu’elle se fixe un but. Les correspond­ances sont nombreuses, relève-t-il, entre l’univers de Ricky et notre engagement pour l’égalité entre les filles et les garçons. Mais en tant qu’artiste, tu nous fais voir les choses autrement. Alors que cette problémati­que est souvent abordée sous l’angle de l’oppression et des violences, tu nous proposes une vision vivifiante, fantaisist­e, inspirante. Mais le plus beau cadeau, estime-t-il, c’est de t’avoir accueilli ici. Ta disponibil­ité, ta simplicité, ton humilité, ton goût des autres, tous les élèves et les personnels que tu as croisés ont été touchés et émus par cette rencontre», témoigne-t-il. Pour terminer, Éric Lemonnier cite « une élève de 6e qui avait rencontré Ricky l’année dernière. Elle avait dit à l’issue d’une heure d’échange sous l’oeil de sa prof d’anglais. Elle avait dit tout simplement : you’re so kind».

Ricky Bernstein livrera le mot de la fin en rappelant qu’aux États-Unis, il y avait un mouvement pour que l’art entre dans des lieux comme les hôpitaux, avec l’idée de guérir à travers l’art. « L’art peut aider les patients, les malades, mais plus encore leurs familles », estime-t-il. « Dans le même ordre d’idées, avoir une oeuvre d’art dans un collège transforme le collège en musée vivant. Je ne sais pas tout ce qui existe, mais je ne pense pas que quelque part aux États-Unis, il existe un collège avec une oeuvre d’art, peut-être dans une université, mais pas dans un collège », estime-t-il. « Et peut-être nulle part ailleurs en France. Peut-être qu’on commence quelque chose, un mouvement », imagine-t-il, enthousias­te.

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D.CH. aux élèves.

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