La laïcité est un combat
Jeudi, à quelques jours de la date anniversaire de la promulgation de la loi de 1905 de séparation des Églises et de l’État, la fédération départementale du Parti Socialiste organisait, à Gravigny, un débat autour de la laïcité.
«La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public», elle ne « reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte ». C’est le texte fondateur de la laïcité en France.
Pour célébrer la loi du 9 décembre 1905, le PS de l’Eure a décidé d’organiser chaque année, « autour du 9 décembre » un temps de réflexion et de débat sur les questions de laïcité.
Débutée dans l’après-midi par un dépôt de gerbe sur la tombe d’Aristide Briand à Houlbec-Cocherel, cette journée anniversaire s’est poursuivie à la Maladrerie de Gravigny où, devant une salle comble, Timour Veyri a ouvert la soirée en soulignant « l’oeuvre de réconciliation » de la loi de 1905. « Dans un moment politique où l’on construit de plus en plus de murs et de moins en moins de ponts », le secrétaire fédéral du PS de l’Eure a rappelé les fractures entre chrétiens et laïcs, entre ouvriers et patronat, entre jésuites et jansénistes qui ont traversé l’Histoire. « Alors que les tensions et les questions autour de la place du religieux dans notre pays n’ont jamais été aussi vives depuis un siècle, les socialistes de l’Eure ont la conviction que c’est à la Gauche de travailler pour remettre la laïcité au coeur du modèle politique que nous proposons aux Français ».
118 ans après, « la laïcité reste un formidable outil de réconciliation ». Un outil dont l’usage reste un peu flou, à en juger par la suite des débats.
Les maires face aux questions de laïcité
Avant de débattre, entre élus, de la place de la laïcité au sein de la gauche française, la soirée a commencé par une table ronde entre l’avocat et spécialiste Philippe Bluteau, auteur du livre Le maire et la laïcité, et Marc-Antoine Jamet, le maire de Val-de-Reuil.
En position difficile « entre le marteau des revendications individuelles ou collectives et l’enclume du droit et du contrôle de légalité », les maires naviguent à vue. « La loi n’est pas précise », a expliqué l’avocat spécialisé en droit public. En prenant pour exemple les décisions contradictoires des Cours d’appel de Paris et de Nantes sur la place des crèches dans l’espace public. Considérée comme un symbole chrétien à Paris, comme culturel à Nantes, la question des crèches a été « tranchée » en 2016 par le Conseil d’État qui avait autorisé l’installation de crèches dans des bâtiments publics, mais sous conditions strictes : absence de prosélytisme, manifestation culturelle ou festive, à l’occasion de Noël… En résumé, « une crèche de Noël est un signe religieux, sauf quand elle ne l’est pas » a ironisé Philippe Bluteau pour dire toute la difficulté des maires face aux questions de laïcité. « Du coup, les choses se règlent au coup par coup ». Dans le plus grand flou.
Pour le maire de Val-de-Reuil, la question est tranchée. « La France est un pays laïc» et « il n’y a pas de religion inférieure à une autre». Ulcéré par ces maires qui s’affichent dans les églises sur les réseaux sociaux, qui participent aux offices, partagent leurs opinions religieuses en conseil, souhaitent un bon Aïd Moubarak à leurs administrés de confession musulmane, Marc-Antoine Jamet est intransigeant. Hostile aux subterfuges qui permettent à la religion de se glisser dans l’espace public, jusqu’à remettre en cause l’enseignement de la natation et des sciences physiques, il érige la laïcité comme un rempart contre la théocratie. « Face aux valeurs religieuses qui s’affirment, c’est un combat aussi important que celui de 1905», a conclu Marc-Antoine Jamet.