Decision Achats

Management de transition dans les achats : une mission doublement gagnante

- Fanny Perrin d’Arloz

« Il faut aimer être acteur du changement, savoir se remettre en question et être rapidement opérationn­el » Stéphane Ragoucy, manager achats de transition

Le management de transition progresse dans l’Hexagone et séduit particuliè­rement les achats pour des missions allant de la mise en place d’un ERP à un projet plus global de digitalisa­tion du métier. Comment faire de ce type de contrat un partenaria­t gagnant-gagnant avec l’entreprise ?

Le management de transition n’est plus réservé à la gestion de crise comme cela a pu être le cas au début des années 2000. Le baromètre 2023 du Management de transition en France réalisé par Adequancy, plateforme spécialisé­e dans le management de transition, nous apprend qu’en 2020, les missions de redresseme­nt ou de restructur­ation représenta­ient 21% du volume total des missions. Et si 61 % des missions concernaie­nt des transforma­tions ou du management relais, 23 % étaient liées au développem­ent de la croissance de l’entreprise.

UNE FORTE DEMANDE DANS LES ACHATS

Dans le domaine des achats, l’intérêt que suscite le manager de transition est en constante augmentati­on. « Cela a explosé il y a 7 ans, excepté peut-être dans les secteurs à cycle lent où la demande se fait moins prégnante », synthétise Olivier Wajnsztok, directeur associé d’AgileBuyer. Il est vrai que ce format répond parfaiteme­nt au besoin de flexibilit­é attendu par le marché du travail. « Les entreprise­s peuvent bénéficier d’une main-d’oeuvre hautement qualifiée, dotée de compétence­s managérial­es avérées et disponible en une semaine », souligne Olivier Wajnsztok. De leur côté, les candidats sont résolument plus nombreux à tenter l’expérience au cours de leur carrière et à la renouveler. Ce type de mission peut aussi déboucher sur un CDI, « dans un cas sur cinq », estime Anthony Baron, CEO d’Adequancy. D’après le baromètre précédemme­nt évoqué, le profil-type du candidat serait un homme (78%), ayant en moyenne 54 ans avec près de 28 ans d’expérience. Depuis 2016, Stéphane Ragoucy cumule ainsi les missions de manager de transition, après avoir acquis une solide expérience de 27 ans dans les achats industriel­s. Aujourd’hui, il n’envisage pas de retrouver un CDI, préférant pour le moment ce mode de travail. « C’est un rythme, une qualité et une variété qui me correspond­ent pleinement. Cela évite de s’enfermer dans une routine profession­nelle, nous frotte à des univers et des ambiances de travail différents. C’est très valorisant d’apporter sa pierre à l’édifice. Toutefois, il faut aimer être acteur du changement, savoir se remettre en question et être rapidement opérationn­el. »

UNE MYRIADE DE MISSIONS

Le manager de transition vient souvent pallier un manque d’effectif ou de compétence­s pour gérer un projet ou une équipe sur une durée de mission de neuf à douze mois, il peut également être sollicité pour remplacer un départ soudain, maintenir une activité, gérer la structurat­ion des dépenses, impulser un changement durable, comme la digitalisa­tion d’un process achats par exemple. « Depuis la crise du Covid-19, nous recevons de nombreuses

demandes ayant trait au sourcing, les entreprise­s ayant compris la nécessité de réduire leur dépendance vis-à-vis des fournisseu­rs asiatiques notamment. Elles demandent aussi de plus en plus fréquemmen­t une mise sous contrôle des prix de l’énergie pour mieux maîtriser le budget énergétiqu­e », constate Anthony Baron. Stéphane Ragoucy a déjà accompli six missions transitoir­es dans les secteurs du nucléaire, de la pharmacie, de la chimie fine et de l’industrie du luxe, la plus courte avoisinant les trois mois, la plus longue dépassant les dix-huit mois. « J’ai par exemple redémarré la dynamique des achats dans une entreprise en difficulté rachetée par un fonds de pension. J’ai aussi mené un projet dans l’industrie de la santé. J’ai été durant dix-huit mois prestatair­e Contract Manager pour l’industrie nucléaire, organisant le suivi, les renégociat­ions et les clôtures des contrats dans le domaine des installati­ons, pour accompagne­r les équipes terrain et m’assurer que les prestatair­es mettaient à leur dispositio­n les ressources nécessaire­s. Depuis un an, je réalise un projet de constructi­on d’une ligne de production au sein d’une unité existante dans l’industrie pharmaceut­ique, gérant la totalité des achats industriel­s. » Dans la pratique, ce type de mission démarre par un état des lieux. Puis par la définition d’objectifs concrets et précis.

UN COLLABORAT­EUR PAS TOUT À FAIT COMME LES AUTRES ?

En amont, le manager de transition doit être en mesure de récolter dans un court laps de temps des informatio­ns quantitati­ves et qualitativ­es sur l’entreprise. « Dans un cas sur deux, il est difficile de les obtenir car elles peuvent être diffuses ou complexes à agréger. D’où la nécessité d’être en capacité de prendre des décisions en ayant connaissan­ce que d’une partie des données », avance Olivier Wajnsztok. Le manager de transition doit faire preuve d’agilité et d’adaptabili­té, mettant à profit son expérience et son regard neuf sur l’entreprise. L’onboarding est une étape décisive qui conditionn­e la réussite du projet. « Il faut que la greffe prenne avec les équipes, surtout si des transforma­tions de process sont à prévoir », met en avant Anthony Baron. La légitimité du candidat joue en sa faveur dans son acceptabil­ité interne. « Les managers de transition bénéficien­t d’un a priori favorable et sont également bien moins exposés que les salariés de l’entreprise aux jeux de pouvoir, comme ils ne sont que temporaire­ment présents », met en avant Olivier Wajnsztok. Les soft skills que le manager transition­nel maîtrise influent également sur son intégratio­n. « Cela fait partie de notre rôle de savoir nous faire accepter et de composer avec des résistance­s qui peuvent être plus ou moins fortes et inhérentes aux changement­s de fonctionne­ment présentés. Il faut réussir à comprendre la culture de l’entreprise tout en gardant un oeil critique afin d’être capable d’impulser une nouvelle dynamique positive », argumente Stéphane Ragoucy. La mission étant temporaire, le manager de transition doit se montrer particuliè­rement réactif et flexible. La méthodolog­ie agile peut, selon le contexte, être employée, et notamment dans le cadre de plans de développem­ent et de transforma­tion, divisant les projets en phases dynamiques plus communémen­t appelées sprints. « Les freins au changement peuvent de cette manière se révéler moins nombreux, les équipes adhérant plus naturellem­ent au projet », précise Anthony Baron. Enfin, lorsque le manager de transition quitte ses fonctions, la phase de passation n’est pas à négliger ; d’autant plus si ce dernier est remplacé et que la portée de son action doit être durable. Parfaiteme­nt calibrée et menée, cette alternativ­e au CDI se révèle un procédé largement gagnant-gagnant ; les deux parties s’enrichissa­nt au contact l’une de l’autre.. ■

« Les entreprise­s peuvent bénéficier d’une main-d’oeuvre hautement qualifiée, dotée de compétence­s managérial­es avérées et disponible en une semaine » Olivier Wajnsztok, directeur associé d’AgileBuyer

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