Une frontière sous le feu des projecteurs
« Al’époque, nous délivrions 1,5 million de visas par an, se souvient Matti Anttonen, ex‑ambassadeur à Moscou de 2008 à 2012, aujourd'hui à Paris. Un train direct reliait Helsinki à Saint‑Pétersbourg en 3 heures et demie. » Même les vélos pouvaient passer, et à Vaalimaa, la frontière la plus au sud, un luxueux Zsar Outlet Village avait été ouvert pour les plus dépensiers. Le Covid puis la guerre ont entraîné la faillite de l’enseigne, et depuis l’automne, les points de passage sont fermés à double tour. L’arrivée de migrants, qu’Helsinki soupçonne d’être instrumentalisés par Poutine – comme le fit la Biélorussie en 2021 à la frontière polonaise –, a créé la psychose. « La frontière orientale est un marqueur puissant de notre identité et de notre indépendance, explique l’expert Jussi P. Laine, professeur à l’Institut de Carélie de l’université de l’Est. La fermer aujourd’hui a un double sens : envoyer un message ferme au Kremlin et ancrer la rhétorique anti‑ immigration dans le débat public. » A fortiori en période électorale. Adjoint à la direction opérationnelle des gardes‑frontières, Marko Saareks assure « qu’il n’y a pas de menace militaire, mais que d’autres types de nuisances sont possibles. » C’est pourquoi le gouvernement ne cesse de dénoncer une « guerre hybride menée par Moscou ». En juin dernier, 200 kilomètres de clôtures hypersécurisées ont été inaugurés. Helsinki, qui fait appel aux gardes‑frontières européens de Frontex, vient de décider qu’une partie des agents arrivés fin novembre resterait jusqu’à l’été.•