Challenges

Planètes alignées

- par Vincent Beaufils

JEAN-MARC JANCOVICI, SERGEN RECRUEUR ? C’est un des paradoxes de l’époque que de voir le fondateur du Shift Project, ingénieur écolo ardent défenseur de la lutte contre le réchauffem­ent climatique, se transforme­r en agent de propagande pour la cause nucléaire. Car si le nombre de CV reçus par Orano, qui concentre le savoir-faire français dans cette industrie, a doublé en quatre ans, cela est en corrélatio­n quasi parfaite avec l’immense succès de la BD Le Monde sans fin, qui a fait à la fois la fortune de Dargaud et le plus grand bien à l’atome. D’ailleurs, pendant la même période, le pourcentag­e des Français favorables à l’énergie nucléaire a également doublé, passant à 46 % – le score le plus élevé constaté depuis 2005. Bien sûr, la place prise par le risque climatique dans l’agenda de la planète depuis l’Accord de Paris explique globalemen­t ce nouvel engouement. Et la nécessité de multiplier par deux la production d’électricit­é en France d’ici à 2050 a remisé au rang de fantasme la peur des réacteurs. « Dans un calcul entre les bénéfices et le risque, le nucléaire est de loin l’énergie la plus sûre », apprend-on ainsi de « Janco » dans notre longue enquête sur « la révolution des petits réacteurs » (p. 59). Car un formidable alignement des planètes est en train de se réaliser.

Sur le plan stratégiqu­e d’abord. Il n’y a pas que les experts du Giec et de l’Agence internatio­nale de l’énergie à préconiser le recours au nucléaire pour se passer des énergies fossiles. A la COP28, une coalition de 20 pays s’est formée avec l’objectif de tripler la capacité nucléaire. Et ce sont 15 nations de l’Union européenne qui ont fait plier la Commission pour que ces projets soient éligibles au Green Deal. Dans le business, le revirement de otalEnergi­es est aussi marquant : Patrick Pouyanné, dont le prédécesse­ur avait spectacula­irement abandonné la filière, vient d’ouvrir la voie, à Davos, au financemen­t par la major des EPR d’EDF ! Surtout, c’est un formidable bouillonne­ment entreprene­urial auquel on assiste dans tous les grands pays industrial­isés autour du concept du Small modular reactor (SMR). Une cinquantai­ne de start-up y travaillen­t, dont sept en France se partagent le milliard d’euros que le plan France 2030 consacre à cette nouvelle technologi­e, qui promet une électricit­é deux fois moins chère que celle des gros EPR. Un milliard d’euros ? iens, c’est exactement le montant qu’avait coûté le programme Astrid, précurseur de cette révolution, avant qu’un Emmanuel Macron, ébloui par son ministre de l’Ecologie Nicolas Hulot, décide de l’arrêter en 2019 – tout comme il a débranché les réacteurs de Fessenheim. Sur ce plan aussi, il a tourné casaque. Et fait revivre, pour le bien commun, son rêve de « start-up nation ».•

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