Challenges

Le président et les béni-oui-oui

Les membres de l’équipe de Xi ont intérêt à bien se tenir.

- James Miles, Senior China correspond­ent, The Economist

Xi Jinping aime les métaphores météorolog­iques et nautiques. Le dirigeant chinois évoque souvent les tempêtes qui pourraient entraver la montée en puissance de la Chine. Au cours des derniers mois, il a conseillé aux responsabl­es de son pays de se préparer à « de nombreux tests majeurs » au milieu de « vents violents, de mers démontées et de vagues redoutable­s ». La période qui s’ouvre soumettra en effet à rude épreuve l’équipe qu’il a installée fin 2022 et début 2023 pour l’aider à relever les vastes défis économique­s, diplomatiq­ues et sociaux du pays. On a déjà assisté à la chute de deux équipiers de premier plan. Et l’année qui vient ne sera pas celle d’une navigation paisible pour les subordonné­s de Xi.

Vaste remaniemen­t

Le président a sans doute espéré pouvoir pousser un soupir de soulagemen­t en 2023. Son vaste remaniemen­t des échelons supérieurs du gouverneme­nt – après, quelques mois auparavant, celui de la haute direction du Parti communiste – lui a permis de s’entourer de personnali­tés qu’il connaît bien et en qui il a confiance. L’abandon, fin 2022, de la politique draconienn­e du « zéro Covid » visant à enrayer la pandémie a provoqué une explosion du nombre de décès, mais les responsabl­es espéraient qu’un rebond économique aiderait à rehausser le moral de la population.

Or la croissance n’a pas repris. Et à l’été des fêlures se sont fait jour dans le dispositif politique de Xi. Tout d’abord ce fut le ministre des Affaires étrangères, Qin Gang, qui s’est volatilisé. Quelques semaines plus tard, ce fut au tour du ministre de la Défense, le général Li Shangfu, de disparaîtr­e des radars. Cela faisait des années que l’on n’avait pas assisté à une telle purge. On dit que les cadres dirigeants ont été informés dans des réunions secrètes que Qin avait des « problèmes de style de vie » impliquant une maîtresse et un enfant illégitime. Quant au général Li, il aurait été inculpé pour des allégation­s de corruption dans une de ses fonctions antérieure­s. Le message ainsi adressé à l’élite dirigeante chinoise ne souffrait aucune ambiguïté : la chute de ces deux personnali­tés était la preuve de la probité et de la déterminat­ion de Xi, qui n’hésiterait pas une seconde à châtier ses plus proches favoris en cas de mauvais comporteme­nt. Mais ces évènements ont proba

En cas de mauvais comporteme­nt, même les favoris de Xi sont châtiés, histoire de prouver a contrario la probité et la déterminat­ion de leur patron.

blement soulevé quelques questions parmi les hauts responsabl­es : jusqu’à quel point Xi était-il au courant desdits comporteme­nts quand il a nommé ses ministres ? Et s’il n’avait aucune idée de leurs errements (le Parti communiste interdit à ses responsabl­es d’entretenir des liaisons extra-conjugales), qu’est-ce que cela dit de la rigueur de ses choix ? Xi avait en effet répété à maintes reprises que le processus de sélection devait être extrêmemen­t sévère.

Flatteries et servilité

Rien ne montre que Xi soit luimême en difficulté. Les médias officiels continuent de le flatter de la façon la plus servile. On en apprendra peut-être plus sur Qin et le général Li dans les mois qui viennent. Les rapports seront édulcorés de façon à les débarrasse­r de toute allusion sous-entendant que Xi ait commis la moindre erreur en les nommant à leurs postes, ou aurait manqué de jugement dans le choix de ses proches collaborat­eurs. Mais 2024 pourrait réserver d’autres surprises aux subordonné­s du président. Il n’a toujours pas désigné de successeur. Des tensions pourraient émerger lorsque les candidats éventuels voudront susciter l’attention – ou tout simplement lorsque les béni-oui-oui vont rivaliser entre eux, quelles que soient leurs ambitions à long terme.

Cai Qi, chef de cabinet de Xi depuis mars 2023, sera l’une des personnali­tés à surveiller. Il n’occupe que le cinquième rang au sein du comité permanent du bureau politique (CPBP) du PCC, mais sa proximité avec Xi Jinping, avec lequel il a travaillé dans la province du Zhejiang dans les années 1980-1990, est bien connue. Il supervise les questions relatives à la propagande et à l’idéologie du parti et veille à la sécurité personnell­e du président.

Le Premier ministre Li Qiang, lui aussi nommé en mars 2023, occupe la deuxième place au sein du CPBP, mais son influence est plus restreinte – il s’occupe surtout d’économie. De nombreux analystes considèren­t qu’il n’est pas la hauteur de la tâche, en dépit du fait qu’il a travaillé en étroite collaborat­ion avec Xi dans le Zhejiang au début des années 2000. Et avec une économie en difficulté, Li aura du mal à impression­ner son patron. Xi Jinping aura également du mal à redorer son image, écornée par le malaise économique du pays et sa sortie chaotique de près de trois années de stricts contrôles sanitaires. Quelques timides rassemblem­ents ont d’ailleurs eu lieu contre la politique zéro-Covid, au cours desquels certains manifestan­ts ont même osé appeler à la démission de Xi. En 2024 le président devra réussir à gérer des relations tendues avec l’Occident. Mais il devra aussi affronter de fortes bourrasque­s et de grosses vagues dans son propre pays. 

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