Le président et les béni-oui-oui
Les membres de l’équipe de Xi ont intérêt à bien se tenir.
Xi Jinping aime les métaphores météorologiques et nautiques. Le dirigeant chinois évoque souvent les tempêtes qui pourraient entraver la montée en puissance de la Chine. Au cours des derniers mois, il a conseillé aux responsables de son pays de se préparer à « de nombreux tests majeurs » au milieu de « vents violents, de mers démontées et de vagues redoutables ». La période qui s’ouvre soumettra en effet à rude épreuve l’équipe qu’il a installée fin 2022 et début 2023 pour l’aider à relever les vastes défis économiques, diplomatiques et sociaux du pays. On a déjà assisté à la chute de deux équipiers de premier plan. Et l’année qui vient ne sera pas celle d’une navigation paisible pour les subordonnés de Xi.
Vaste remaniement
Le président a sans doute espéré pouvoir pousser un soupir de soulagement en 2023. Son vaste remaniement des échelons supérieurs du gouvernement – après, quelques mois auparavant, celui de la haute direction du Parti communiste – lui a permis de s’entourer de personnalités qu’il connaît bien et en qui il a confiance. L’abandon, fin 2022, de la politique draconienne du « zéro Covid » visant à enrayer la pandémie a provoqué une explosion du nombre de décès, mais les responsables espéraient qu’un rebond économique aiderait à rehausser le moral de la population.
Or la croissance n’a pas repris. Et à l’été des fêlures se sont fait jour dans le dispositif politique de Xi. Tout d’abord ce fut le ministre des Affaires étrangères, Qin Gang, qui s’est volatilisé. Quelques semaines plus tard, ce fut au tour du ministre de la Défense, le général Li Shangfu, de disparaître des radars. Cela faisait des années que l’on n’avait pas assisté à une telle purge. On dit que les cadres dirigeants ont été informés dans des réunions secrètes que Qin avait des « problèmes de style de vie » impliquant une maîtresse et un enfant illégitime. Quant au général Li, il aurait été inculpé pour des allégations de corruption dans une de ses fonctions antérieures. Le message ainsi adressé à l’élite dirigeante chinoise ne souffrait aucune ambiguïté : la chute de ces deux personnalités était la preuve de la probité et de la détermination de Xi, qui n’hésiterait pas une seconde à châtier ses plus proches favoris en cas de mauvais comportement. Mais ces évènements ont proba
En cas de mauvais comportement, même les favoris de Xi sont châtiés, histoire de prouver a contrario la probité et la détermination de leur patron.
blement soulevé quelques questions parmi les hauts responsables : jusqu’à quel point Xi était-il au courant desdits comportements quand il a nommé ses ministres ? Et s’il n’avait aucune idée de leurs errements (le Parti communiste interdit à ses responsables d’entretenir des liaisons extra-conjugales), qu’est-ce que cela dit de la rigueur de ses choix ? Xi avait en effet répété à maintes reprises que le processus de sélection devait être extrêmement sévère.
Flatteries et servilité
Rien ne montre que Xi soit luimême en difficulté. Les médias officiels continuent de le flatter de la façon la plus servile. On en apprendra peut-être plus sur Qin et le général Li dans les mois qui viennent. Les rapports seront édulcorés de façon à les débarrasser de toute allusion sous-entendant que Xi ait commis la moindre erreur en les nommant à leurs postes, ou aurait manqué de jugement dans le choix de ses proches collaborateurs. Mais 2024 pourrait réserver d’autres surprises aux subordonnés du président. Il n’a toujours pas désigné de successeur. Des tensions pourraient émerger lorsque les candidats éventuels voudront susciter l’attention – ou tout simplement lorsque les béni-oui-oui vont rivaliser entre eux, quelles que soient leurs ambitions à long terme.
Cai Qi, chef de cabinet de Xi depuis mars 2023, sera l’une des personnalités à surveiller. Il n’occupe que le cinquième rang au sein du comité permanent du bureau politique (CPBP) du PCC, mais sa proximité avec Xi Jinping, avec lequel il a travaillé dans la province du Zhejiang dans les années 1980-1990, est bien connue. Il supervise les questions relatives à la propagande et à l’idéologie du parti et veille à la sécurité personnelle du président.
Le Premier ministre Li Qiang, lui aussi nommé en mars 2023, occupe la deuxième place au sein du CPBP, mais son influence est plus restreinte – il s’occupe surtout d’économie. De nombreux analystes considèrent qu’il n’est pas la hauteur de la tâche, en dépit du fait qu’il a travaillé en étroite collaboration avec Xi dans le Zhejiang au début des années 2000. Et avec une économie en difficulté, Li aura du mal à impressionner son patron. Xi Jinping aura également du mal à redorer son image, écornée par le malaise économique du pays et sa sortie chaotique de près de trois années de stricts contrôles sanitaires. Quelques timides rassemblements ont d’ailleurs eu lieu contre la politique zéro-Covid, au cours desquels certains manifestants ont même osé appeler à la démission de Xi. En 2024 le président devra réussir à gérer des relations tendues avec l’Occident. Mais il devra aussi affronter de fortes bourrasques et de grosses vagues dans son propre pays.