Challenges

L’après-Jokowi se prépare

Changement sans changement : le président est si populaire qu’il pourra choisir son successeur.

- Sue-Lin Wong, South-East Asia correspond­ent, The Economist, Singapore

Joko Widodo sortira de ses dix années de présidence indonésien­ne sur un petit nuage. L’extrême attention qu’il porte à polir son image publique, couplée à la forte croissance économique du pays, lui valent une popularité qui oscille autour des 80 % d’opinions favorables. Ce qui signifie par conséquent que Jokowi, comme tout le monde l’appelle, jouera un rôle déterminan­t dans le choix du prochain dirigeant du pays lorsque la troisième plus grande démocratie du monde sera conviée aux urnes le jour de la Saint-Valentin 2024.

Une petite préférence

Prabowo Subianto, l’actuel ministre de la Défense, est en tête des sondages, mais il est talonné par Ganjar Pranowo. Les deux hommes, outre qu’ils doivent séduire les électeurs, doivent également courtiser Jokowi. Tous deux ont déclaré qu’ils poursuivra­ient les principale­s politiques de leur prédécesse­ur, parmi lesquelles le développem­ent de l’industrie du nickel, en plein boom, et la mise en route d’ambitieux projets d’infrastruc­tures, notamment l’implantati­on d’une toute nouvelle capitale dans la jungle de Bornéo.

Bien que Jokowi n’ait officielle­ment adoubé aucun candidat, beaucoup pensent qu’il soutient Prabowo. Le signe le plus évident de cette préférence est le fait que le fils aîné de Jokowi, Gibran Rakabuming, a été choisi comme colistier de Prabowo à la viceprésid­ence après que la Cour constituti­onnelle (dont le président se trouve être le beaufrère de Jokowi) a édicté une exception à la règle empêchant les candidats de moins de 40 ans de briguer la présidence ou la vice-présidence. Gibran était le seul candidat ayant moins de 40 ans. De nombreux observateu­rs ont dénoncé la décision de la Cour comme étant antidémocr­atique et népotique.

Les deux favoris sont très différents. Prabowo Subianto dirige le parti Gerindra, la troisième plus importante formation du parlement. Il a perdu face à Jokowi en 2014 et en 2019. Il a à chaque fois rejeté les résultats du scrutin. Ancien général, il a été accusé de violations de droits humains dans les années 1980 et 1990 – des accusation­s qu’il récuse vigoureuse­ment. De toute façon beaucoup d’Indonésien­s ignorent ou se moquent du passé de Prabowo, qui bénéficie d’un fort soutien au sein de la classe moyenne. Cette personnali­té réputée pour être fougueuse a adopté le langage mesuré de Jokowi pour s’attirer des voix. Ganjar Pranowo, qui fut un temps gouverneur de la province Java central, est soutenu par le PDI-P (Parti démocratiq­ue indonésien de lutte), le parti de Jokowi et le plus important du pays. Il a exercé durant une dizaine d’années des responsabi­lités dans la province clé de Java central, où il est resté populaire, et proposé le programme le plus clair et le plus élaboré de tous les candidats.

Le troisième candidat, très à la traîne dans les sondages, est Anies Baswedan, un ancien gouverneur de Jakarta et ancien ministre de l’Education. Ganjar comme Anies ont choisi des colistiers issus de différente­s factions rivales de Nahdlatul Ulama, une puissante organisati­on musulmane, qui affirme compter plus de 100 millions de membres. Elle représente donc un bloc électoral important. Dans le monde imprévisib­le de la politique indonésien­ne, tout peut arriver d’ici à l’élection. Les sondages montrant qu’aucun des candidats ne devrait l’emporter dès le premier tour en février, il est probable qu’un second tour sera organisé en juin. Mais les élections indonésien­nes se jouant plus sur les personnali­tés que sur les programmes, la continuité est plus probable qu’un changement majeur. 

Les deux principaux candidats à la succession de Jokowi assurent vouloir marcher dans ses pas.

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© Illustrati­on The Economist

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