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“C’était comme une drogue”

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VÉRONIQUE PAUMARD, VICTIME D’UN BROUTEUR ET AUTRICE DE DE L’AUTRE CÔTÉ DE MON ÉCRAN : LE COEUR CONTRE LA RAISON, A SOMBRÉ AVANT DE SE RELEVER ET DE METTRE À PROFIT SON EXPÉRIENCE POUR AIDER LES VICTIMES D’ESCROCS SENTIMENTA­UX.

Quand le déni a laissé place à la prise de conscience, que s’est-il passé ? Qu’avez-vous ressenti ?

Je me suis écroulée. Je me demandais : « Qu’est-ce que j’ai fait ? Pourquoi ai-je donné de l’argent à un inconnu ? » J’étais tellement amoureuse de ce mec que, plus que la perte financière, c’est la trahison sentimenta­le qui m’a le plus choquée. Du jour au lendemain, plus rien, plus d’échanges matin, midi et soir. Je me sentais en manque. C’était comme une drogue. Je n’arrivais pas à me sevrer. J’ai pensé à en finir, mais je ne l’ai pas fait. Le sevrage a été très dur. J’ai eu deux longues relations de dix et quatorze ans, et même après ces ruptures, je ne m’étais jamais sentie aussi abattue.

Combien de temps avez-vous attendu avant d’en parler ? Pendant six mois, je n’en ai parlé à personne. La première fois, c’était à une amie. Elle est arrivée un jour où je pleurais et je lui ai tout raconté. J’étais accro aux messages de mon brouteur. Elle ne m’a pas jugée et m’a conseillé de porter plainte. C’est difficile, mais il faut en parler.

Pourquoi est-ce si difficile de porter plainte ?

J’avais honte, tout simplement. Si je l’ai fait au bout de sept ou huit mois, c’est grâce à mon amie. J’ai réussi à me convaincre que ce n’était pas si grave. Le gendarme m’a tout de même dit que j’étais naïve, mais je n’ai pas relevé. Il faut porter plainte. On est peut-être prises pour des naïves, mais au moins on se protège contre une éventuelle récidive.

Et cette plainte a-t-elle abouti ?

J’ai déposé plainte en novembre 2019. En janvier 2020, on m’a dit qu’un numéro de téléphone avait été identifié et l’affaire transmise à Tours. Après je n’ai plus eu de nouvelles. L’année dernière, j’ai reçu une lettre m’informant que ma plainte n’avait pas abouti.

Comment vous êtes-vous relevée de cette histoire ?

Mon entourage ne m’a pas jugée, ce qui a été d’une grande aide. Il faut du temps, s’occuper, faire des activités pour oublier, mais ce n’est pas simple. L’écriture m’a beaucoup aidée, elle m’a guérie. Tout le monde ne peut pas le faire, mais je le conseille aux victimes. En écrivant mon histoire, j’ai transformé cette mauvaise période en quelque chose de positif. Le fait que mon brouteur se soit dévoilé a vraiment contribué à ma guérison. J’ai aussi compris pourquoi il faisait ça, car j’avais besoin de savoir. Aujourd’hui, j’assiste et soutiens les victimes dans le groupe Avas (pour « Assistance aux victimes d’arnaqueurs sentimenta­ux », NDLR). Certaines sont encore avec leur brouteur et j’essaie de les aider à couper les liens.

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