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Fermeture de boutiques virtuelles : quel avenir pour vos jeux vidéo dématérial­isés?

- Stéphanie Dupuis

Nintendo 3DS, Wii U et plus récemment Xbox 360… Les fermetures de services de distributi­on de jeux vidéo dématérial­isés sur console s'enchaînent, retirant par la même occasion du mar‐ ché nombre de contenus additionne­ls téléchar‐ geables (DLC) et des cen‐ taines de titres dépourvus de version physique.

À son lancement en 2005, la Xbox 360 de Microsoft était parmi les premières grandes consoles à offrir une plate‐ forme de distributi­on de jeux en ligne.

C’est venu avec les collec‐ tivités en ligne, la possibilit­é de faire [des correctifs] sur les jeux, ou encore de dé‐ ployer des DLC, comme des [cosmétique­s], des skins [costumes virtuels], énumère Dany Guay-Bélanger, histo‐ rien du jeu vidéo.

L’idée, c’était d’amener tous ces éléments [déjà of‐ ferts à plus grande échelle sur PC] dans son salon, ré‐ sume-t-il.

Si la Xbox 360 n’était pas la première à se lancer dans ce créneau dématérial­isé, c’est elle qui a permis de le démocratis­er. À l’époque, l’ac‐ cès à Internet à haute vitesse gagnait les foyers et, surtout, la console connaissai­t un succès inédit, avec 86 mil‐ lions d’unités vendues.

La compétitio­n entre consoles dans l'industrie est très intense. Quand [Sony et Nintendo] ont vu Xbox le faire, ils se sont probable‐ ment dit : il faut qu’on ajoute ça [à nos systèmes].

Dany Guay-Bélanger, his‐ torien du jeu vidéo

Sony a ainsi emboîté le pas en 2006 en offrant un service semblable sur la PlayStatio­n 3 (PS3), et Nin‐ tendo a suivi la même année avec la Wii, créant une nou‐ velle norme dans l’industrie.

De cette génération de consoles, seule la PS3 de Sony offre encore ce service, mais impose de plus en plus de contrainte­s à sa clientèle impossible de faire des achats en ligne à partir d’une carte de crédit ou d’un compte PayPal, par exemple.

L’entreprise japonaise s’était résignée à maintenir son magasin en ligne après que l’annonce de sa ferme‐ ture en 2021 eut suscité un tollé de la part de ses adeptes, qui craignaien­t de voir disparaîtr­e certains jeux dématérial­isés.

Ces craintes concernant la console de Sony se concré‐ tisent maintenant pour les propriétai­res de la Xbox 360. Ce sont quelque 220 jeux qui seront perdus, faute de for‐ mat physique et de rétro‐ compatibil­ité avec d’autres consoles, d’après les estima‐ tions du site spécialisé Video Games Chronicle.

Une question de renta‐ bilité

Pourquoi fermer bou‐ tique? Une partie de la ré‐ ponse repose vraisembla­ble‐ ment sur la rentabilit­é, sug‐ gère Dany Guay-Bélanger : Les coûts [pour maintenir la plateforme en place] ont pro‐ bablement dépassé les pro‐ fits.

Au lieu de vendre un vieux jeu vidéo à 5 $ en ligne, une entreprise peut le réédi‐ ter et le vendre à 80 $ sur une console plus moderne, selon lui.

Mais d’après le chercheur, l’heure est venue pour les in‐ dustries du jeu vidéo et du numérique de comprendre la valeur historique de leurs production­s, au-delà des re‐ cettes qu’elles peuvent géné‐ rer.

Les compagnies de jeux vidéo ne sont pas très en‐ clines à protéger leur propre patrimoine, même quand ça peut devenir très lucratif.

Dany Guay-Bélanger, his‐ torien du jeu vidéo

Afin d’offrir des versions rééditées de leurs jeux vidéo, certaines entreprise­s ont dû faire de l’ingénierie inversée, puisqu’elles avaient perdu le code, note-t-il. Cette mé‐ thode coûteuse et contreprod­uctive aurait pu être évi‐ tée si le jeu avait été conservé.

Les studios de jeux vidéo auraient donc tout intérêt à préserver leur patrimoine : C’est très bon pour leur image, pour ressortir d’autres versions d’un jeu plus tard, pour le patrimoine du jeu vi‐ déo et pour le patrimoine culturel plus largement, in‐ siste-t-il.

Des solutions pour la préservati­on

Dans certains pays, comme en France, les studios doivent déposer une copie de leur jeu auprès de leur bi‐ bliothèque nationale.

On le fait pour le film, je ne verrais pas pourquoi on ne le ferait pas pour un autre média qui a plus de 70 ans d’histoire.

Dany Guay-Bélanger Au Québec, qui est pour‐ tant un important pôle mon‐ dial de développem­ent de jeux vidéo, Bibliothèq­ue et Archives nationales du Qué‐ bec (BAnQ) n’exige pas ce dé‐ pôt légal. L’une des raisons est que bien que le secteur du jeu vidéo soit florissant au Québec, les jeux sont publiés par les maisons-mères des studios, qui sont bien sou‐ vent étrangères, nous a d’abord répondu Mylène Ra‐ cine, directrice principale des communicat­ions de BAnQ.

La Guilde du jeu vidéo du Québec, qui représente l’in‐ dustrie québécoise, affirme pourtant que 290 de ses plus de 330 membres sont des studios indépendan­ts.

Après l’avoir fait remar‐ quer à BAnQ, l’institutio­n s’est ravisée : Depuis sa créa‐ tion en 1968, le dépôt légal ne s’applique pas aux jeux de société ni aux jeux vidéo. Le dépôt légal des publicatio­ns numériques, instauré en 2022, a été conçu pour s’ap‐ pliquer aux mêmes types de documents qui étaient visés par le dépôt légal dans leur version analogique.

Cela dit, le Règlement sur le dépôt légal peut être amené à évoluer à travers le temps et il n’est pas impos‐ sible qu’il inclue d’autres types de collection­s au fil des ans.

Mylène Racine, directrice principale de BAnQ

Les studios pourraient également offrir en accès libre le code de leurs jeux vi‐ déo. Le jeu Doom, sorti en 1993, continue de circuler largement sur toutes les pla‐ teformes imaginable­s, d’une caméra numérique à un four micro-ondes modifié, pour cette raison.

On pourrait aussi parta‐ ger le code du jeu à des insti‐ tutions patrimonia­les, qui le préservera­it selon les

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