Une Albertaine veut 18 M$ d’indemnisation pour agression sexuelle et licenciement abusif
Une femme d'Edmonton, qui affirme avoir été agres‐ sée sexuellement dans un camp de travail de l’indus‐ trie des sables bitumineux dans le nord de l'Alberta, puis licenciée pour avoir dénoncé l'agression, pour‐ suit son ancien employeur et l'homme qu'elle tient pour responsable de l’agression présumée.
La poursuite de 18 mil‐ lions de dollars de Leah McLeod, déposée le 16 mai devant la Cour du Banc du Roi d'Edmonton, vise ATCO, ATCO Frontec Corp. et un employé.
La plaignante réclame 14 millions de dollars de dom‐ mages-intérêts aux deux en‐ treprises, pour ce qu'elle considère comme un licen‐ ciement abusif et de la négli‐ gence. Elle demande égale‐ ment 4 millions de dollars de dommages-intérêts à l’homme qu’elle accuse d’agression sexuelle et de coups et blessures.
En 2008, Leah McLeod tra‐ vaillait comme femme de ménage à Barge Landing, au nord de Fort McMurray, lors‐ qu'elle a signalé à la Gendar‐ merie royale du Canada (GRC) qu'elle avait été dro‐ guée et agressée sexuelle‐ ment par un cuisinier du camp.
L’agression présumée au‐ rait eu lieu dans une cara‐ vane-dortoir mixte partagée par une cinquantaine de tra‐ vailleurs.
Mme McLeod a déclaré en entrevue qu'elle se souvient avoir partagé une boisson mélangée avec l’homme dans la soirée du 22 juin 2008, sur les marches du dortoir. Elle pense avoir été droguée et agressée ce soirlà.
Dans sa déclaration, elle affirme avoir repris conscience dans le lit de l'homme quelques heures plus tard, et qu’elle s'est en‐ suite rendu à l'hôpital de Fort McMurray, où elle a subi un examen médical et signalé l'agression à la GRC.
Le lendemain, la police fé‐ dérale s'est rendue sur le lieu de travail et a arrêté l'homme. À l'époque, aucune accusation n'a été retenue.
Les mis en cause nient toute responsabilité
Dans une déclaration commune, ATCO et ATCO Frontec nient les allégations et toute responsabilité. Les deux entreprises affirment que l'agression ne leur avait pas été officiellement signa‐ lée et que l'incident se serait produit en dehors des heures de travail.
Elles ajoutent que les em‐ ployés étaient soumis à une politique sans violence ni harcèlement et que les res‐ ponsables du site, exploité par Frontec, étaient formés à la manière de traiter de telles plaintes.
L’accusé qualifie pour sa part les allégations de la plai‐ gnante de scandaleuses et vexatoires. Il nie l'avoir dro‐ guée et agressée.
Acquittement
Seize ans plus tard, Mme McLeod, 44 ans, dit se sentir toujours prisonnière du trau‐ matisme qu'elle dit avoir subi : Je veux juste qu'on me rende des comptes.
L'affaire a été rouverte en novembre 2018 et un man‐ dat d'ADN a été obtenu, ce qui a entraîné une nouvelle arrestation de l’homme, qui a été ensuite mis en accusation en octobre 2019. À la fin de l’année 2021, à l'issue d'un procès devant la cour provin‐ ciale de Fort McMurray, il a été acquitté.
Le juge Jeffrey Champion a estimé que Mme McLeod était incohérente dans son témoignage et qu'elle ne se souvenait pas de l'agression présumée.
Dans cette affaire, la po‐ lice et les tribunaux ont été confrontés aux questions du consentement et de la force de la preuve génétique lorsque la mémoire de la vic‐ time est défaillante.
Des manquements dans l’enquête
Des traces d’ADN ont été trouvées sur le corps de McLeod, mais ce n'est que 10 ans plus tard que l'ADN de l’accusé a été testé et qu'il s'est avéré compatible avec celui de la plaignante.
En 2020, Mme McLeod a déposé une plainte officielle contre la GRC de Wood Buf‐ falo. La police fédérale a mené une enquête interne et lui a ensuite présenté des ex‐ cuses officielles.
La GRC a expliqué que l’agent désigné comme en‐ quêteur principal dans cette affaire avait négligé son de‐ voir de mener une enquête approfondie, et qu’il n’avait pas pris en compte et pré‐ servé des éléments de preuve essentiels dès le dé‐ but de l'affaire.
L'enquête interne a révélé que l'enquêteur principal n'avait pas reçu de formation spécialisée dans les affaires d'agression sexuelle. Dans une déclaration, la GRC af‐ firme que, depuis lors, des changements importants ont été apportés à sa politique d'enquête sur les agressions sexuelles.
D'après Mary Jane James, directrice générale du Centre d'aide aux victimes d'agres‐ sion sexuelle d'Edmonton, la plainte de Leah McLeod fait écho à de nombreuses autres affaires dans les‐ quelles des victimes n'ont pas réussi à prouver leurs dires en raison de lacunes dans leur mémoire.
Selon elle, la navigation dans le système accusatoire de la justice pénale cana‐ dienne peut être tout aussi douloureuse pour les vic‐ times d'agressions sexuelles que le crime lui-même.
Avec les informations de Wallis Snowdon