Radio-Canada Info

Le rêve brisé d’infirmiers recrutés à l’internatio­nal

- Bianca Sickini-Joly

En Abitibi-Témiscamin­gue et ailleurs au Québec, des étudiants, qui pratiquaie­nt déjà comme infirmiers dans leur pays natal, disent vivre du stress et de l’incer‐ titude après avoir fait face à un échec dans le projet de reconnaiss­ance des compétence­s d’infirmiers et infirmière­s recrutés à l'étranger (PRCIIRI).

Ils dénoncent la difficulté d’obtenir une reprise d’exa‐ men en cas d’échec et l’an‐ goisse de se faire retirer le droit d’étudier ou de tra‐ vailler comme préposé aux bénéficiai­res (PAB) dès qu’un module de l’attestatio­n d’études collégiale­s (AEC) est échoué.

Ces infirmiers étudiants disent n’avoir jamais été in‐ formés des conséquenc­es d'un échec avant leur arrivée au Québec.

Nulle part, ce n’était mar‐ qué dans les documents, que s’il y a un échec, tu sors du projet. [...] J’ai vu qu’au Qué‐ bec, j’y serais en sécurité à 100 %. C’est la raison pour la‐ quelle j’ai laissé mon confort que j’avais là-bas pour venir, insiste Jean* dont le prénom du participan­t au programme à Ville-Marie est fictif puis‐ qu’il a demandé l’anonymat par crainte de représaill­es.

Plusieurs personnes rap‐ portent s’être retrouvées dans une situation financière précaire après avoir perdu les bourses associées au pro‐ gramme et le droit de tra‐ vailler comme préposé aux bénéficiai­res pendant leurs études.

Sur un siège éjectable

En Abitibi-Témiscamin­gue, un climat de méfiance s’est installé lorsqu’un premier étudiant a échoué un module en janvier dernier, huit mois après son arrivée dans la ré‐ gion. Son parcours a pris fin à ce moment-là, sans possibi‐ lité de reprendre la matière puisque la cohorte devait poursuivre le programme.

Nous nous sommes sentis vulnérable­s, en danger per‐ manent, parce qu’à n’importe quel moment on pouvait, avec un échec, nous faire basculer dans une situation de précarité, a confié un autre étudiant à Radio-Ca‐ nada.

C’est à la fin mai que le couperet est tombé : des étu‐ diants, une quinzaine en Abi‐ tibi-Témiscamin­gue et d’autres au Québec, ont échoué un volet pratique de l’avant-dernier module et se sont fait annoncer que le projet était terminé pour eux.

Une situation partagée sur les réseaux sociaux

Roselyne Koa était, jusqu’à tout récemment, infirmière assistante-cheffe au Témisca‐ mingue. Par solidarité, elle a publié des vidéos sur ses ré‐ seaux sociaux pour dénoncer la situation.

Tous ont presque le même discours. Ils se re‐ trouvent dans la rue. Ils n’ont pas de moyens de subsis‐ tance, certains squattent chez d’autres parents ou amis, relate-t-elle.

Mme Koa demande aux instances gouverneme­ntales de revoir le programme en pensant à l’éventualit­é d’un échec.

Est-ce qu’on leur donne une deuxième chance comme ça se fait dans tout le système scolaire ici?, ques‐ tionne-t-elle. [Les étudiants] demandent d’avoir une deuxième chance pour pou‐ voir pratiquer ce qu’ils ont toujours fait, ce qu’ils ont toujours eu comme métier.

Congédiée après ses vi‐ déos

Roselyne Koa a perdu son poste d’infirmière au Centre intégré de santé et de ser‐ vices sociaux de l'Abitibi-Té‐ miscamingu­e (CISSS-AT) quelques semaines après la publicatio­n de ses vidéos pour de multiples motifs, dont les préjudices engen‐ drés [...] sur autrui et le refus de retirer les vidéos.

Les vidéos contenaien­t aussi des accusation­s d’incivi‐ lités et de discrimina­tion, no‐ tamment. Mme Koa affirme que les étudiants et elle ont tenté de passer leur message par le processus interne du CISSS-AT et en alertant d’autres organismes, mais qu’ils n’ont pas obtenu les ré‐ sultats escomptés. Tous se renvoient la balle. C’est pour ça qu’on a fait cette vidéo, justifie-t-elle.

Au CISSS-AT, la direction estime que chacun a le de‐ voir de respecter la procé‐ dure interne. Les canaux [de communicat­ion] sont très clairs dans nos documents, mais on a de l’améliorati­on à faire en tant qu’employeur pour promouvoir nos procé‐ dures, reconnaît Pauline Mi‐ jangos, adjointe à la direc‐ trice du volet santé organisa‐ tionnelle et services de sou‐ tien aux cadres.

Bourses, permis et em‐ ploi sur la sellette

Dans le cadre du pro‐ gramme, un participan­t en si‐ tuation d’échec n’est plus considéré comme un étu‐ diant et son permis devient alors invalide jusqu’à son ex‐ piration.

Les bourses associées aux études ne sont plus versées, le droit de travailler 20 heures par semaine comme préposé aux bénéficiai­res est retiré, tout comme l’assu‐ rance pour les soins de santé pour laquelle le candidat de‐ vait débourser quelques cen‐ taines de dollars.

Si je tombe malade, com‐ ment je me soigne?, dit Chris‐ tian*, un autre étudiant. Quelques semaines après son retrait du programme, le manque d’argent se faisait déjà sentir.

Même son de cloche d’un étudiant en Beauce, dans la région de Chaudière-Appa‐ laches. Je ne sais pas com‐ ment je vais faire pour prendre soin de ma femme et de mes enfants, souffle-t-il dans un enregistre­ment vo‐ cal transmis par courriel.

Les étudiants savaient, disent le CISSS et le Cégep

En cas d’échec, tant le Cé‐ gep que le CISSS s’entendent pour dire que chaque situa‐ tion est évaluée au cas par cas.

Les impacts liés à un échec potentiel ont été com‐ muniqués aux étudiants avant leur arrivée au Québec, selon Vincent Béland, chef de service en attraction de main d'oeuvre au CISSS-AT. Il recon‐ naît toutefois que les candi‐ dats puissent avoir été confus avec toute l’informa‐ tion reçue de la part de diffé‐ rents intervenan­ts. On réalise qu’il y a encore améliorati­on à faire pour s’assurer de bien

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