Radio-Canada Info

Nommé par le gouverneme­nt Trudeau, il est hanté par un ancien alias sur Twitter

- Daniel Leblanc

Officielle­ment, Birju Dat‐ tani doit entrer en fonction dans quelques jours à la tête de la Commission ca‐ nadienne des droits de la personne.

Mais plus rien n’est cer‐ tain dans ce dossier, après que plusieurs groupes eurent critiqué des publicatio­ns qu’il a faites sur Twitter sous le pseudonyme de Mujahid Dattani durant les années 2010.

Ces gazouillis ont depuis été effacés du réseau social (récemment rebaptisé X), mais ils continuent de susci‐ ter de vives critiques de la part du Parti conservate­ur et d’organisati­ons juives. On re‐ proche notamment à Birju Dattani d’avoir cité le titre d’un article qui comparait le sort des Palestinie­ns à celui des juifs dans le ghetto de Varsovie durant la Seconde Guerre mondiale.

Le gouverneme­nt fédéral, qui a annoncé la nomination de Birju Dattani à la mi-juin, ne veut plus dire si ce dernier amorcera son mandat de cinq ans à la date prévue du 8 août, ou si un délai supplé‐ mentaire est possible.

Nous ne pouvons spécu‐ ler ni commenter pour le mo‐ ment sur les actions pos‐ sibles, affirme Donald Savoie, porte-parole du Conseil privé du Canada (BCP).

Dans un message sur le site LinkedIn, Birju Dattani a vigoureuse­ment défendu sa réputation, affirmant que l’enquête confirmera son en‐ gagement de longue date en faveur des droits de la per‐ sonne.

Malheureus­ement, je suis la cible d’allégation­s sans fondement. Je reste résolu‐ ment fidèle à mon bilan.

Birju Dattani

Une enquête rapide

Bien que

Birju Dattani avait informé le gouverne‐ ment de son utilisatio­n de ce pseudonyme, les fonction‐ naires qui évaluaient son dossier ont omis de faire des vérificati­ons supplément­aires sur les réseaux sociaux.

En réaction à la contro‐ verse, le gouverneme­nt fédé‐ ral a récemment embauché l’avocate Sarah Crossley pour diriger une enquête rapide sur ce dossier, en plus de lancer une évaluation com‐ plète des antécédent­s de Bir‐ ju Dattani.

L’enquête doit être termi‐ née avant la date prévue d'entrée en fonction de Birju Dattani, après quoi le gouver‐ nement pourra décider si la nomination sera maintenue.

Le dossier est entre les mains du ministre fédéral de la Justice, Arif Virani, qui a nommé Birju Dattani en tant que président de la Commis‐ sion sans avoir été informé de ses messages publiés sous un pseudonyme.

Le ministre a publique‐ ment fait part de son incon‐ fort dans le dossier, parlant d’allégation­s significat­ives qui soulèvent des préoccupa‐ tions lors d’une conférence de presse à la mi-juillet.

La confiance envers [la

Commission des droits de la personne] est primordial­e en raison du rôle important qu'elle joue dans la société canadienne, et c'est ce concept fondamenta­l qui ré‐ git toutes mes actions à cet égard dans ce dossier, a af‐ firmé Arif Virani.

Toutefois, comme la no‐ mination a déjà été entérinée par le gouverneme­nt, il serait compliqué de la renverser.

La loi prévoit que le pré‐ sident de la Commission exerce ses fonctions à titre inamovible et que le gouver‐ nement doit passer par le Sé‐ nat et la Chambre des com‐ munes pour révoquer sa no‐ mination.

Un pseudonyme était connu qui

Lors du processus d’em‐ bauche amorcé en 2022, Bir‐ ju Dattani a révélé au gouver‐ nement son utilisatio­n d’un pseudonyme.

Toutefois, le gouverne‐ ment a récemment avoué qu’il n’avait pas fait les suivis nécessaire­s pour examiner les publicatio­ns faites sur les réseaux sociaux sous ce nom.

Le Bureau du conseil privé ajoute qu’il n’a pas partagé le pseudonyme avec les di‐ verses agences impliquées dans les vérificati­ons, ni avec les bureaux du ministre de la Justice et du Premier mi‐ nistre.

Dans le cas de M. Dattani, une erreur administra­tive a fait que les pseudonyme­s n’ont pas été recherchés par le BCP, qui regrette cette er‐ reur, a affirmé Donald Savoie par voie de communiqué au début du mois.

Pour obtenir sa nomina‐ tion, Birju Dattani a dû rem‐ plir un formulaire dans le‐ quel il devait affirmer s’il y avait des éléments de sa si‐ tuation qui pourraient, s’ils devaient être connus, nuire à la réputation du gouverne‐ ment du Canada.

Son avocate, Muneeza Sheikh, a affirmé à CBC que son client avait dévoilé toutes les informatio­ns exigées par le gouverneme­nt.

La Commission en bref

Créée en 1977, la Com‐ mission canadienne des droits de la personne a le mandat de promouvoir et de protéger les droits de la per‐ sonne, notamment en faisant enquête sur des plaintes pour discrimina­tion et en re‐ présentant l’intérêt public lors de divers litiges.

Birju Dattani a dirigé pen‐ dant trois ans la Commission des droits de la personne du Yukon, et il a agi comme di‐ recteur des droits de la per‐ sonne et de la résolution des conflits au Centennial College dans la région de Toronto.

Lors de sa nomination, le gouverneme­nt a affirmé que Birju Dattani était reconnu comme un expert en droit en matière de droits de la per‐ sonne et comme défenseur de l’équité, de la diversité et de l’inclusion.

Une nomination contes‐ tée

Dans une déclaratio­n commune, le Centre consul‐ tatif des relations juives et is‐ raéliennes et les Amis du Centre Simon Wiesenthal ont allégué que certaines décla‐ rations de Birju Dattani fai‐ saient preuve d’antisémi‐ tisme.

En plus de ses publica‐ tions sur les réseaux sociaux, ce dernier est critiqué pour sa participat­ion à un événe‐ ment en Angleterre auquel participai­t un membre d’un groupe fondamenta­liste isla‐ mique qui s’oppose à l’exis‐ tence d’Israël.

Nous demandons instam‐ ment au gouverneme­nt de reconsidér­er la nomination de M. Dattani afin de garantir l'intégrité de la CCDP et la confiance du public dans sa mission, ont demandé les deux groupes.

Le Parti conservate­ur a demandé que la nomination de Birju Dattani soit tout sim‐ plement annulée.

Cheffe adjointe du parti, la député Melissa Lantsman affirme que Birju Dattani a un long historique de décla‐ rations anti-israélienn­es, y compris une justificat­ion du terrorisme, et que le premier ministre Justin Trudeau de‐ vrait exiger que M. Dattani démissionn­e ou le licencier.

Son ancien employeur, à l’inverse, appuie la candida‐ ture de Birju Dattani sans ré‐ serve.

La Commission des droits de la personne du Yukon re‐ jette totalement toute sug‐ gestion selon laquelle M. Dat‐ tani n'est pas qualifié pour occuper le poste de pré‐ sident de la Commission ca‐

nadienne des droits de la personne. En plus d'être un leader et un gestionnai­re compétent, Birju Dattani a consacré sa vie à la promo‐ tion des droits de la per‐ sonne, a affirmé Michael Dougherty, président de la Commission des droits de la

personne du Yukon.

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