Des « guerriers des pensionnats » réunis pour lancer le festival du film Weengushk
Pour la huitième fois, le festival international Weengushk se déroulera du 11 au 14 juillet à Little Current, sur l’île Manitou‐ lin, au sud de Sudbury, en Ontario.
Avec des documentaires, des films et des courts mé‐ trages, ce festival a pour but de mettre l’accent sur les voix autochtones, les droits de la personne, les questions de société et l’environnement.
Alors que les femmes et les jeunes ont été le thème de l’événement lors des an‐ nées précédentes, ce sont les survivants des pensionnats pour Autochtones qui seront à l’honneur cette fois-ci.
Des dizaines de guerriers des pensionnats pour Au‐ tochtones traverseront le pont qui relie Little Current à la rive nord le 11 juillet, la veille du lancement du festi‐ val.
Enveloppés de couver‐ tures parsemées d’étoiles, ils seront accueillis par des dan‐ seurs et par des joueurs de tambour. Le pont qu'ils tra‐ verseront représente le long chemin parcouru par les sur‐ vivants. Ils participeront en‐ suite à des conférences et à des ateliers sur la résilience.
La journée comprendra aussi un passage symbolique du flambeau à la jeunesse autochtone.
La cérémonie d’ouverture aura lieu le 12 juillet avec un concert de l’artiste oji-cri Ay‐ sanabee et la diffusion du film Sugarcane, qui raconte les abus dont ont été vic‐ times les enfants autoch‐ tones dans les pensionnats près de la communauté de Sugarcane, au centre de la
Colombie-Britannique.
Ce film a été présenté en première au festival du film de Sundance, dans l'Utah, et a remporté le prix du grand jury pour la réalisation.
Tautuktavut (What We See), Bones of Crows, Hey Viktor, Twice Colonized ou encore Lakota Nation vs Uni‐ ted States seront aussi à l’af‐ fiche de ce festival.
Les films seront diffusés au Four Directions Complex, situé dans la Première Nation d'Aundeck Omni Kaning, à quelques kilomètres de Little Current, elle aussi sur l’île Manitoulin.
Le concept de souverai‐ neté narrative des peuples autochtones anime profon‐ dément la directrice artis‐ tique du festival, Shirley Cheechoo, une productrice crie de la Baie-James. Ellemême a été envoyée dans un pensionnat alors qu'elle n'avait que six ans.
Aujourd'hui, elle est connue pour ses rôles dans la série Spirit Bay et The Rez.
La souveraineté narrative est la clé pour redonner réel‐ lement la parole aux Autoch‐ tones, pour permettre un ré‐ cit autochtone authentique. Elle se définit comme l’acte de recréer son histoire selon ses propres conditions en ayant un contrôle sur ses re‐ présentations artistiques.
L’événement donne la possibilité à la communauté de visionner ces films, des films [que les gens] n’ont pas forcément l’occasion de voir et auxquels ils n’ont pas for‐ cément accès, explique Shir‐ ley Cheechoo.
Selon elle, le festival est une occasion de mettre en relation des réalisateurs et des producteurs de films du monde entier.
D’ailleurs, Shirley Chee‐ choo a mis sur pied, il y a 25 ans, un institut basé à M’Chi‐ geeg (sur l’île Manitoulin) qui soutient et promeut l’art de raconter des histoires auprès de jeunes Autochtones.
Et justement, un court métrage réalisé par des ar‐ tistes de cet institut sera aussi projeté.
La scénariste, productrice et réalisatrice explique qu’il est encore difficile de convaincre des festivals grand public et bien établis de diffuser des oeuvres au‐ tochtones.
Lorsqu’il y a une produc‐ tion autochtone qui marche bien, cela éclipse les dix autres derrière, les plus pe‐ tites, déplore aussi Phyllis El‐ lis, la présidente allochtone du festival.
On devrait aussi pouvoir voir des productions autoch‐ tones dans des catégories non autochtones. L’inclusion, c’est important, mais le mé‐ rite aussi, sinon les Autoch‐ tones restent marginalisés, poursuit-elle.
Shirley Cheechoo ajoute ceci : Notre manière de ra‐ conter des histoires est très différente. La structure est différente et les gens ne le comprennent pas toujours.
Toujours à propos d’inclu‐ sion, les deux femmes pré‐ cisent que le festival est ou‐ vert à tout le monde. Sou‐ vent, les gens pensent qu’il est réservé aux Autochtones, mais tout le monde est le bienvenu, disent-elles.
Cet événement, qui va rassembler environ 500 per‐ sonnes, est unique, selon les deux femmes. On ne fait pas que diffuser des films. On or‐ ganise aussi des ateliers sur la langue et sur la culture, poursuit Mme Cheechoo.
Un gala est aussi prévu lors duquel plusieurs artistes autochtones renommés se‐ ront présents, tels que Cliff Cardinal, un poète, acteur et compositeur lakota, Mathew Coon Come, l’ancien chef de l’Assemblée des Premières Nations, lui aussi un survi‐ vant des pensionnats, Marie Clements, la réalisatrice du film Bones of Crows, et Emily Kassie, la coréalisatrice de Sugarcane.