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L’Ontario s’oppose « à 100 % » à la décriminal­isation des drogues à Toronto

- Étienne Lajoie

Souhaitant clarifier une fois pour toutes sa position quant à la volonté de To‐ ronto de décriminal­iser la possession de drogues dures pour usage person‐ nel sur son territoire, la mi‐ nistre ontarienne de la Santé a écrit à Toronto mercredi pour dire qu’elle s’oppose « complèteme­nt » à sa demande auprès de Santé Canada.

Au cours des derniers jours, le premier ministre Doug Ford a déclaré qu’il ne veut « absolument pas » que Toronto décriminal­ise les drogues. Toutefois, la mi‐ nistre Sylvia Jones aurait lu dans les médias que Toronto affirmait ne pas avoir reçu d’ indication formelle au sujet de cette opposition.

Bien que notre gouverne‐ ment ait été parfaiteme­nt clair [à ce sujet] à plusieurs occasions, considérez ce message comme l’indication la plus formelle : l’Ontario s’oppose complèteme­nt à votre demande [auprès de Santé Canada].

Extrait de la lettre de la ministre de la Santé Sylvia Jones à la Dre Eileen de Villa, médecin hygiéniste de To‐ ronto

Dans sa lettre à la méde‐ cin hygiéniste de Toronto, la Dre Eileen de Villa, la ministre de la Santé déclare que la dé‐ criminalis­ation de la posses‐ sion de drogues à Toronto ne ferait qu'accroître la crimina‐ lité et la consommati­on de drogues en public tout en ne faisant rien pour aider les gens qui souffrent de dépen‐ dance.

La santé publique de To‐ ronto a auparavant précisé à Radio-Canada que dans son modèle de décriminal­isation, la consommati­on de drogues en public à Toronto demeu‐ rerait illégale.

La Dre de Villa, qui a an‐ noncé cette semaine son dé‐ part à la fin de l’année, a ré‐ pondu à la lettre en aprèsmidi. Elle a affirmé qu'elle pourrait annuler la demande que si le conseil de santé de Toronto, présidé par le conseiller municipal Chris Moise, lui demande de le faire.

Le conseil de santé de To‐ ronto m'a demandé d'en‐ voyer la demande d'exemp‐ tion à Santé Canada après des consultati­ons auprès des parties prenantes, des per‐ sonnes ayant de l'expérience vécue et des organismes qui les aident, ainsi que des ex‐ perts dans le domaine, a-telle dit par écrit.

» « Pourquoi maintenant?

Selon Gillian Kolla, une professeur­e adjointe de l’Uni‐ versité Memorial qui fait des recherches sur les politiques en matière de drogues, au‐ cune preuve ne démontre que la consommati­on de drogues en public a aug‐ menté en Colombie-Britan‐ nique depuis la décriminal­i‐ sation, en janvier 2023.

Ma plus grande question [à l'Ontario], c’est celle-ci : pourquoi maintenant? Cette demande n’est pas nouvelle, il y a eu beaucoup de consul‐ tations, dit-elle.

Dans sa demande à Santé Canada, soumise en 2022, Toronto a expliqué que la dé‐ criminalis­ation des drogues illicites pour usage personnel était une manière efficace de régler les problèmes de santé publique liés à la dé‐ pendance.

La criminalis­ation des drogues rend l’accès aux ser‐ vices de réduction des mé‐ faits plus difficile et accroît le risque de blessures, de mala‐ dies et de surdoses, lisait-on dans la soumission d'environ 150 pages.

Le nombre de décès an‐ nuels liés à une surdose d'opioïdes a plus que qua‐ druplé entre 2015 et 2021 à Toronto. Selon des données du Bureau du coroner en chef de l'Ontario, 96 % des décès liés aux opioïdes à To‐ ronto entre avril 2020 et avril 2021 ont été accidentel­s.

Dossier inactif, selon Ot‐ tawa

La semaine dernière, la ministre fédérale de la Santé mentale et des Dépen‐ dances, Ya’ara Saks, avait dé‐ claré que le dossier de To‐ ronto était inactif. La Dre Ei‐ leen de Villa avait alors rétor‐ qué en entrevue que Toronto avait répondu à toutes les questions qui lui avaient été posées par Ottawa.

La ministre Saks n'avait pas dit si l'approbatio­n du premier ministre ontarien était nécessaire pour accor‐ der une exemption à la Ville de Toronto. Dans un courriel transmis à Radio-Canada en début de semaine, la porteparol­e de la ministre Jones, Hannah Jensen, a clarifié les choses en affirmant que To‐ ronto n'avait pas besoin de l'autorisati­on de l'Ontario pour soumettre sa demande d'exemption.

La Colombie-Britanniqu­e, qui a décriminal­isé la posses‐ sion de drogues illicites en obtenant une exemption de Santé Canada analogue à celle que demande Toronto, a récemment réduit la portée de son exemption pour em‐ pêcher la consommati­on en public.

Dans sa lettre, la ministre Jones affirme que son gou‐ vernement est franchemen­t surpris d’apprendre que To‐ ronto n’a pas annulé sa de‐ mande auprès de Santé Ca‐ nada à la lumière du recul de la Colombie-Britanniqu­e.

L’expérience de cette pro‐ vince de l’Ouest canadien, es‐ time l’Ontario, a été désas‐ treuse. La décriminal­isation, dit notamment l’Ontario, en‐ courage les comporteme­nts dangereux en public.

Si Santé Canada n’annule pas sa demande, nous se‐ rons forcés d’explorer toutes les options à notre disposi‐ tion, conclut la ministre de la Santé dans sa lettre.

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