Quand le cannabis mène aux urgences
Comme à chaque garde ou presque, l'urgentologue-pé‐ diatre Dominic Chalut exa‐ mine un adolescent qui a consommé du cannabis.
Le patient en question s’est présenté aux urgences de l'Hôpital de Montréal pour enfants à cause de troubles d’anxiété et de démotivation scolaire. Des affections qui ne sont pas seulement asso‐ ciées au pot, sauf que, dans bien des cas, l'usage de cette drogue est mentionné par les jeunes.
Le docteur Chalut observe une multiplication des consultations après absorp‐ tion de marijuana. C'était une fois aux trois ou quatre mois, au début de sa carrière, dans les années 1990. Aujourd'hui, j'en vois chaque jour et par‐ fois plusieurs, précise-t-il. L'incidence est à la hausse de façon significative.
Les plus récentes don‐ nées de la Direction de la santé publique du Québec montrent que le nombre d'hospitalisations des moins de 25 ans, liées au cannabis, a progressivement augmenté dans la dernière décennie, avec un pic au coeur de la pandémie. En 2012, il y a eu 1700 cas. En 2022, c'était près de 2600.
Anxiété, psychoses vomissements
Certains
patients
et
sont dans un état comateux, avec de la difficulté à se tenir de‐ bout, affirme le docteur Cha‐ lut. D’autres, au contraire, sont dans un état d'anxiété et d'agitation assez avancé, on doit leur donner des séda‐ tifs pour les calmer parce qu'ils peuvent être dange‐ reux pour eux-mêmes et pour autrui.
Sans compter, dit-il, les cas occasionnels de psy‐ choses aiguës qui, eux aussi, suivent une tendance à la hausse.
Lors de notre passage, l'adolescent examiné par le docteur Dominic Chalut est également victime de vomis‐ sements à répétition.
De l’hyperémèse cannabi‐ noïde, explique le pédiatre. L'utilisation du cannabis peut amener les jeunes à des vo‐ missements très sévères et persistants, difficiles à contrôler et qui les em‐ pêchent de fonctionner. Une affection qui, selon lui, était peu commune il y a encore quelques années.
Cet état peut durer 24 à 48 heures et c’est souvent rattaché aux wax pens, ren‐ chérit la docteure Marie-Ève Morin, qui met en garde contre les risques de déshy‐ dratation.
Les wax pens en cause
Médecin à la clinique La Licorne, à Montréal, la Dre Morin oeuvre en dépendance depuis deux décennies. Elle remarque aussi une hausse des troubles liés au cannabis chez les adolescents. Pour elle, c'est en bonne partie à cause des vapoteuses qui contiennent de l'huile de can‐ nabis (wax pens). Des pro‐ duits interdits mais qui se trouvent facilement dans les réserves autochtones ou sur Internet.
Joignant le geste à la pa‐ role, après quelques clics sur un moteur de recherche, elle nous montre quatre sites ca‐ nadiens qui vendent ces pro‐ duits de plus en plus popu‐ laires chez les jeunes.
Les vapoteuses au canna‐ bis, étant disponibles seule‐ ment sur des marchés paral‐ lèles, ne subissent aucune évaluation scientifique, ce qui amplifie les doutes sur leur dangerosité et donc sur les risques toxicologiques.
Les wax pens n'émettent pas de fumée ni d'odeur per‐ sistante. Ils ont des saveurs de fruits et des emballages séduisants. Des caractéris‐ tiques qui les rendent popu‐ laires auprès des jeunes, re‐ marque-t-elle, sauf que l'huile peut contenir jusqu'à 90 % de THC, le principal composé psychoactif du can‐ nabis.
Pas besoin de rouler, c'est la facilité, mais c'est telle‐ ment plus puissant. Dr Marie-Ève Morin
Selon elle, la légalisation, en 2018, a entraîné une cer‐ taine banalisation du canna‐ bis, mais l'augmentation des problèmes de santé est plu‐ tôt due à l'apparition de pro‐ duits toujours plus forts.
Pas seulement les vapo‐ teuses, mais aussi les articles vendus légalement à la SQDC
qui affichent également de fortes concentrations en THC.
Certaines substances contiennent jusqu’à 30 % de THC. Avec deux bouffées la personne est intoxiquée, soutient-elle. Quand les gens disent que c'est une drogue douce, je pense qu'ils sont dans le passé.
La science en retard
Les taux de THC avaient déjà commencé à augmenter avant la légalisation, poursuit le docteur Morin. Je vois vrai‐ ment un lien entre l’augmen‐ tation des taux de THC et celle des hospitalisations en psychose chez les adoles‐ cents, par exemple.
Même constat pour le pé‐ diatre Richard Bélanger qui est médecin de l'adolescence au Centre mère-enfant Soleil du Centre hospitalier univer‐ sitaire de Québec.
Dans une étude publiée l’an dernier, il a démontré que la pratique du vapotage a triplé chez les jeunes de l’Est-du-Québec entre 2019 et 2023. La montée du vapo‐ tage en général est un enjeu, argue-t-il, tout en notant que les adeptes de la vapoteuse régulière peuvent être facile‐ ment tentés d’expérimenter les wax pens.
Lui aussi a examiné da‐ vantage de patients qui ont consommé du cannabis. Et, comme plusieurs de ses col‐ lègues, il suspecte que la hausse de la concentration de THC accentue les consé‐ quences sur la santé.
Il n’y a aucune certitude pour le moment, nuance-t-il, parce que la science a ten‐ dance à être en retard sur les pratiques.
Il pense que la recherche sur les effets du vapotage de‐ vrait devenir une priorité pour les autorités de santé publique.
La situation est identique en Abitibi-Témiscamingue, assure la docteure Louise Perreault, pédiatre au Centre Hospitalier de Rouyn-No‐ randa. Elle observe que, de‐ puis la pandémie, de nom‐ breux jeunes ont des pro‐ blèmes liés à la consomma‐ tion de cannabis.
Le syndrome bof, c’est pas grave
Au-delà de l'aspect pure‐ ment médical, les médecins consultés pour cet article constatent des répercussions sur les aptitudes sociales des adolescents, dans un contexte où leur santé men‐ tale semble globalement fra‐ gile.
L'urgentologue Dominic Chalut estime que le volet psychosocial s'avère tout aussi important parce qu’il voit défiler des cas de troubles scolaires, décro‐ chage scolaire, absentéisme scolaire et troubles familiaux, tous plus ou moins en rela‐ tion avec l’usage de la mari‐ juana.
La pédiatre Louise Per‐ reault observe une épidémie de ce qu’elle appelle avec une pointe d’ironie le syndrome bof, c’est pas grave. Des jeunes consommateurs de cannabis qui ont tendance à être désinvoltes face à leurs responsabilités. Le syndrome amotivationnel, je le vois beaucoup, note également la docteure Morin.
La consommation régu‐ lière de cannabis, pas néces‐ sairement en grande quan‐ tité, peut mener à une perte de motivation généralisée pour l'école, pour l'hygiène, pour les finances ou pour les amis, explique-t-elle. Elle soupçonne même un lien di‐ rect entre le syndrome amo‐ tivationnel et le décrochage scolaire.
Des pistes de solutions
Il faut diffuser un mes‐ sage de prévention et de pré‐ caution, il faut avoir en tête la santé des jeunes, affirme le pédiatre Richard Bélanger, qui confie ne jamais rater une occasion d’aborder la question avec ses jeunes pa‐ tients, même si le cannabis ne fait pas (encore) partie du décor.
Il rappelle que la Loi sur le cannabis contient des enga‐ gements afin de protéger les jeunes. En effet, le texte mentionne que la loi a pour objet de protéger la santé des jeunes en restreignant leur accès au cannabis et de préserver les jeunes et toute autre personne des incita‐ tions à l’usage du cannabis.
Et les autorités publiques devraient d'ailleurs pour‐ suivre leurs efforts, a conclu un comité d’experts chargé de faire un suivi sur la loi. Dans un rapport publié au mois de mars dernier, ils notent, entre autres, que Santé Canada devrait établir et surveiller des cibles pour réduire la consommation de cannabis et les méfaits liés au cannabis chez les jeunes et les jeunes adultes.
L'argumentation s'appuie, entre autres, sur des études démontrant que le nombre d'hospitalisations associées au cannabis est en hausse au pays. L'une d'elles, menée en Alberta, en Colombie-Britan‐ nique, en Ontario et au Qué‐ bec, montre que le taux stan‐ dardisé des hospitalisations est passé de 3,99 pour 100 000 individus en janvier 2015 à 6,46 pour 100 000 individus en mars 2021.
Selon le professeur à l'École de psychoéducation de l'Université de Montréal Jean-Sébastien Fallu, une autre piste de solution pour‐ rait être d'abaisser l’âge légal pour acheter du cannabis. Au Québec, il était à l’origine à 18 ans, avant que le gouver‐ nement Legault le fixe à 21 ans, en 2020.
Le problème, soutient M. Fallu, c’est que les plus jeunes doivent désormais se tourner vers le marché illé‐ gal, où les produits sont en général moins fiables et plus puissants.
Louise Perreault constate qu’une partie importante de ses patients se tournent ef‐ fectivement vers le marché noir. Surtout les consomma‐ teurs réguliers, dit-elle, parce qu’ils trouvent des prix plus abordables. Un argument qui séduit en général les plus jeunes.
Le pédiatre Richard Bélan‐ ger a un point de vue mitigé sur cette question. Selon lui, 18 ans ou 21 ans, les deux options ont leurs avantages et leurs inconvénients. La première, parce qu’elle ouvri‐ rait le marché légal à des pro‐ duits censés être plus sécuri‐ taires. La deuxième a aussi sa logique, soutient-il, parce qu’elle va dans le sens d’une limitation de l’accès au can‐ nabis pour les plus jeunes.
Trans Mountain, changement majeur
En fait, tous les indica‐ teurs pointent en direction d’une hausse de la produc‐ tion et des exportations de pétrole au Canada. L’entrée en activité, ce mois-ci, de l’ex‐ pansion de l’oléoduc Trans Mountain dans l’ouest du pays en est la parfaite illus‐ tration. Le projet, racheté par le gouvernement canadien qui voulait s’assurer de sa réalisation, a coûté sept fois plus cher que prévu, soit en‐ viron 34 milliards de dollars.
Mais le potentiel écono‐ mique est grand alors que le Canada, grâce à cet oléoduc, pourra exporter beaucoup plus de pétrole, du pétrole lourd qui ne sera plus prison‐ nier du seul marché améri‐ cain. En ce moment, l'équi‐ valent de 90 % de la produc‐ tion canadienne est expor‐ tée, et 96 % de ce pétrole ex‐ porté est envoyé aux ÉtatsUnis.
Trans Mountain permettra d'envoyer près de 600 000 barils de plus vers la côte du Pacifique, ce qui pourrait per‐ mettre une hausse de 10 à 15 % des exportations à par‐ tir du port de Vancouver vers les raffineries de la côte ouest américaine, mais aussi et surtout vers les raffineries chinoises, en mesure d’ac‐ cueillir un pétrole contenant une grande quantité de soufre. C’est un développe‐ ment important pour l’indus‐ trie pétrolière canadienne.
Les activités élargies de Trans Mountain devraient rapporter 9,2 milliards de dollars à l’économie cana‐ dienne et 2,8 milliards en taxes et en impôts de 2024 à 2043, selon une estimation de la firme Ernst & Young. Se‐ lon la Banque du Canada, le nouveau pipeline viendra ajouter 0,25 point au PIB to‐ tal du pays au deuxième tri‐ mestre de l’année.
En février 2024, le Canada a produit, en moyenne, 4 581 045 barils par jour et a ex‐ porté 4 112 736 barils quoti‐ diennement, selon le Centre canadien d'information sur l'énergie. Depuis le début de l’année 2016, la production canadienne de pétrole brut a augmenté de plus de 20 %.
Avec la hausse annoncée des exportations, et les nou‐ veaux marchés qui s’ouvrent à l’industrie, le Canada pour‐ rait continuer d'augmenter sa production.
Selon une étude de la TD, la production de pétrole au Canada devrait progresser de 6 à 10 % cette année, une hausse de 300 000 à 500 000 barils par jour. Le pays pour‐ rait ainsi atteindre la barre des 5 millions de barils de pétrole brut produits quoti‐ diennement.
Il s'agit tout de même d'un développement majeur pour une industrie qui a ralenti sa croissance au cours de la dernière décennie, les entre‐ prises préférant réduire leur dette et verser des divi‐ dendes à leurs actionnaires.
Un meilleur prix
La hausse du prix de vente du pétrole canadien à la suite de la mise en activité du pipeline expansionné Trans Mountain pourrait sti‐ muler les investissements au Canada. Depuis longtemps, en raison des capacités limi‐ tées des exportations cana‐ diennes, les acheteurs paient moins cher le pétrole cana‐ dien, une forme de pénalité d’environ 15 $ en moyenne par baril. Cet écart pourrait se retrouver bientôt entre 5 $ et 10 $, compte tenu des nouvelles capacités d’expor‐ tation du pays.
Signalons aussi que les banques canadiennes restent fermement engagées envers le secteur pétrolier. En 2023, les institutions financières du pays ont octroyé plus de 104 milliards de dollars améri‐ cains en financement à l’in‐ dustrie, selon un rapport de Banking on Climate Chaos. Plus de 28 milliards de dol‐ lars américains sont venus de la RBC, et plus de 24 mil‐ liards de la Scotia. Ces ni‐ veaux de financement sont en baisse, mais demeurent très élevés.