Robert F. Kennedy Jr, trouble-fête de Biden ou de Trump?
Parce qu’il n’a pas l’appui d’un parti établi, Robert F. Kennedy Jr, 70 ans, doit passer par des détours par‐ fois un peu compliqués pour que son nom se re‐ trouve sur les bulletins de vote dans les 50 États et dans le district de Colum‐ bia.
Il doit rassembler des mil‐ liers de signatures par État et passer parfois par les tribu‐ naux pour atteindre son but. Mais il existe deux États où, pour se faire inscrire sur les bulletins, il n'y a qu'à rassem‐ bler 500 personnes au même endroit : l’Oregon et l’Iowa.
En ce samedi après-midi dans la grande région de Des Moines, en Iowa, ils sont quelques dizaines de rési‐ dents à commencer à faire la file pour entrer dans une grande salle afin d’écouter Robert F. Kennedy Jr, dont l'arrivée est prévue dans quelques heures.
Parmi la petite foule, il y a Tshanta Spencer, une élec‐ trice indépendante. Cela fait quatre ou cinq ans que je suis Robert F. Kennedy Jr. J’aime ce qu’il dit et, comme je suis fatiguée de la droite et de la gauche, je suis ici pour lui, dit-elle, ajoutant du même souffle qu’elle ne veut pas que Joe Biden gagne, qu’elle n’est pas forcément anti-Trump mais qu’elle pré‐ férerait que RFK Jr soit élu.
Un peu plus loin dans la file, il y a Phil Hayne, un répu‐ blicain qui veut en savoir plus sur le candidat indépendant. Il n’est pas sûr qu’il va voter pour lui, mais il aime la façon dont il parle des enjeux. Et puis il y a le nom embléma‐ tique de Kennedy, note-t-il.
Se faire enregistrer en Iowa à la présidentielle est donc un défi à hauteur d'homme pour un candidat indépendant.
Les principaux partis dis‐ posent d'énormes banques de données, explique Richard Winger, expert en lois électo‐ rales et rédacteur en chef de
Ballot Access News. Ils pos‐ sèdent des listes de tous les électeurs inscrits. Ils savent beaucoup de choses sur chaque électeur inscrit et donc sur le plan institution‐ nel, il est vraiment difficile pour un candidat indépen‐ dant de rattraper le temps perdu.
RFK Jr doit donc récolter lui-même les signatures ou encore aller en cour pour avoir l’autorisation d’être sur les bulletins de vote, et cela coûte très cher.
Il a choisi récemment Ni‐ cole Shanahan, une million‐ naire, comme colistière. La Californienne de 38 ans, an‐ cienne conjointe d'un des co‐ fondateurs de Google, est aujourd'hui avocate et entre‐ preneure dans la Silicon Val‐ ley.
C'est elle qui a payé la fac‐ ture de la diffusion d'une pu‐ blicité électorale pour Ken‐ nedy lors du Superbowl en février.
Un passé tragique
Kennedy est le neveu du président John F. Kennedy et le fils de Robert F. Kennedy, ancien procureur général et sénateur américain. Il n'avait que neuf ans lorsque le pré‐ sident JFK a été abattu en no‐ vembre 1963. Son père, Ro‐ bert, a subi le même sort alors qu'il préparait sa propre candidature à la pré‐ sidence, cinq ans plus tard.
Accablé de chagrin, RFK Jr s'est tourné vers l'héroïne pour, dit-il, remplir un espace vide à l'intérieur de moi, se désintoxiquant finalement après une arrestation pour possession d'héroïne.
Sa seconde épouse, Mary, mère de quatre de ses six en‐ fants, a également lutté contre la toxicomanie et s'est suicidée.
Descendant de la plus cé‐ lèbre dynastie politique des États-Unis, RFK Jr s'est forgé une réputation d'activiste, d'auteur et d'avocat pour les causes environnementales.
Connu pour ses cam‐ pagnes visant à assainir les cours d'eau du pays, à ré‐ duire l'utilisation de pesti‐ cides toxiques et à promou‐ voir les énergies renouve‐ lables, il a cependant lancé des appels à la liberté et au libre marché comme solution au changement climatique qui ont fait craindre qu'il ne laisse l'industrie donner le ton pour réduire l'utilisation des combustibles fossiles.
Isolationniste par nature, il s'oppose à l'aide à l'Ukraine, reprochant aux États-Unis et à l'OTAN d'avoir créé une guerre par procura‐ tion avec la Russie.
Le mouton noir de la fa‐ mille
En cours de route, son mi‐ litantisme s'est orienté vers des conspirations et est entré en collision avec le consen‐ sus scientifique. Sceptique de longue date à l'égard des vac‐ cins, il a été accusé de diffu‐ ser des informations erro‐ nées sur le vaccin COVID-19 dans des médias alternatifs tels que le podcast populaire de l'animateur conservateur Joe Rogan.
Ses opinions controver‐ sées ont conduit sa propre famille à le désavouer. Ainsi, la majorité de ses proches s’opposent à sa candidature qui, selon elle, ne fera que di‐ viser le vote au bénéfice de Donald Trump.
Kerry Kennedy, l’une des soeurs de RFK Jr, conjure les électeurs de voter pour Joe Biden afin de contrer Donald Trump.
Bobby porte peut-être le même nom que notre père, mais il ne partage ni les mêmes valeurs, ni la même vision, ni le même jugement. Nous dénonçons sa candida‐ ture et pensons qu'elle est périlleuse pour notre pays.
Dans cette course à la présidence américaine, RFK Jr est une voix différente, et pas seulement à cause de ses prises de position controver‐ sées. Sa voix rocailleuse et parfois essoufflée est le ré‐ sultat de la dysphonie spas‐ modique qui comprime sa voix en raison de la ferme‐ ture incontrôlée des cordes vocales pendant qu’il parle.
Lui-même trouve pénible de s’entendre.
Sans trop de surprise, à Des Moines, après un peu plus de deux heures du ras‐ semblement, plus de 500 personnes se sont effective‐ ment déplacées pour RFK Ju‐ nior. Il sera donc sur les bul‐ letins de vote en novembre.
S'il a suffisamment de moyens pour être représenté dans les grands États riches en votes, comme le Texas ou New York, dit Richard Winger, il sera probablement présent dans les 50 États. Mais en‐ suite? Un candidat indépen‐ dant peut-il gagner la prési‐ dence américaine?
Une course d’avance? perdue
La dernière fois où un in‐ dépendant a obtenu presque 20 % des votes, c’était Ross Perot en 1992 contre George Bush père et Bill Clinton. Un score honorable, mais aucun vote au sacro-saint Collège électoral américain. Donc au‐ cune chance de devenir pré‐ sident, comme le constate Mack Shelley, professeur émérite à l’Université de l’État de l’Iowa.
Parce que la structure du Collège électoral ne vous per‐ met pas de gagner des États, en fin de compte, tout cela n'a pas beaucoup d'impor‐ tance. C’est, comme le dirait Shakespeare, le genre de bruit et de fureur prover‐ biaux qui ne signifient rien.
Melissa Smith, profes‐ seure en communication à la Mississippi University for Wo‐