La désillusion des jeunes envers Trudeau
Le dernier budget libéral était censé recréer un pont entre le parti et la jeunesse canadienne.
Investissement en logement, taxation des plus riches, programme d’accès à la propriété : il fallait, selon les libéraux, « rétablir l’équité entre les générations ».
Force est de constater que l’énorme fossé qui s’est créé entre les millénariaux, les Z et Justin Trudeau ne fait que s’agrandir.
La désillusion semble irréversible.
LES VOIES ENSOLEILLÉES
Un nouveau sondage confirme la tendance : bien que tous les segments démographiques de la société se détournent des libéraux, aucune baisse n’est aussi vertigineuse que chez les 18-35 ans.
Ils ont été 40 % à voter pour lui en 2015. Ils ne sont plus que 22 % à l’appuyer. La chute est semblable chez les plus vieux millénariaux et les X.
Que s’est-il passé ?
Placez-vous dans la peau d’un jeune millénarial en 2015.
Se présente à vous un jeune chef mi-quarantaine, de son temps, qui promet de légaliser le cannabis.
Il parle d’ouverture à l’autre, de justice sociale, de la promotion des valeurs canadiennes dans le monde, d’écologie, de réconciliation avec les peuples autochtones.
Du rêve canadien que tous devraient avoir leur chance.
Neuf ans plus tard, le réveil est brutal.
De nombreux jeunes galèrent pour se loger, pour s’acheter une maison, et leur pouvoir d’achat est en baisse.
Quand ces besoins de base ne sont pas comblés, les belles valeurs prennent le bord.
It’s the economy, stupid !
LA FAUTE À PERSONNE ?
Justin Trudeau aime laisser entendre que si les gens ressentent qu’ils en arrachent, ce n’est pas vraiment de sa faute.
Les causes dépasseraient tout politicien : l’inflation est mondiale et la polarisation aux extrêmes déchire toutes les sociétés.
Il y a bien sûr un fond de vérité – nous n’avons pas fini de subir les effets de la pandémie mondiale – mais le raccourci est facile.
Qui ose encore douter que les politiques économiques et migratoires du gouvernement Trudeau aient contribué à l’anxiété économique ambiante ?
À Toronto ou à Vancouver, cela ne date pas d’hier que les jeunes ne peuvent souvent pas se permettre financièrement de vivre dans les mêmes quartiers où ils ont grandi.
Mais depuis une décennie, la même logique s’est étendue un peu partout au pays.
L’intention des libéraux était sans doute noble : ouvrir les vannes de l’immigration permanente et temporaire pour stimuler l’économie tout en s’attaquant au vieillissement de la population.
Ce n’était qu’une question de temps pour que la pénurie de logements se transforme en crise nationale.
Ajoutons à cela le ton moralisateur du premier ministre qu’il a cultivé au fil des années.
Il avertissait ce printemps ses collègues progressistes durant un colloque à Montréal qu’il valait mieux éviter ce ton « moralisateur », comme un cordonnier mal chaussé.
Force est de constater que l’énorme fossé qui s’est créé entre les millénariaux, les Z et Justin Trudeau ne fait que s’agrandir.
BILAN
Pour l’instant, Pierre Poilievre est celui qui a réussi à canaliser la colère des jeunes et de beaucoup de Canadiens.
Aujourd’hui 37 % des 18-35 ans voteraient pour lui.
Poilievre sait les rejoindre et leur parler. C’est maintenant lui, le quarantenaire qui leur promet une vie meilleure. Et il leur parle de quoi ? Du logement et du coût de la vie, à longueur de journée.
Ses solutions importent peu. Son obsession suffit à le rendre crédible à leurs yeux.
Il y a de fortes chances que les prochaines élections se déroulent sur le thème du changement.
Et Justin Trudeau aura un long bilan d’une décennie à défendre.