Ce fraudeur risque des dizaines d’années de prison
Le Québécois a facturé de faux services internet à des milliers d’américains
Un Montréalais risque un très long séjour en prison aux États-unis pour avoir volé des millions de dollars à des Américains en se faisant passer pour des entreprises de services internet.
Poupak Jannissar, 52 ans, a plaidé coupable lundi à une accusation de complot pour fraude et une autre de blanchiment d’argent lors d’une audience à Las Vegas. Il avait été arrêté en janvier dans un aéroport de la Floride. Il risque 20 ans de prison pour chacun des chefs d’accusation.
À de nombreuses reprises entre 2013 et 2023, le résident de L’île-bizard et d’autres suspects ont acheté des listes contenant les noms, adresses et informations bancaires de milliers d’américains préalablement fraudés.
Puis, de fausses compagnies de services internet qu’ils contrôlaient ont émis des chèques ou des paiements au nom de ces victimes. Celles-ci prétendaient vendre du stockage en ligne, des services de fax, des appels internet ou même des livres électroniques.
Le groupe de Jannissar déclarait ensuite aux institutions financières que les consommateurs avaient autorisé ces prélèvements dans leurs comptes bancaires.
TRANSACTIONS MULTIPLES
En 2019, une victime a rapporté que l’entreprise A Place 2 Store avait obtenu ses informations bancaires et s’octroyait des chèques de 39,99 $ US par mois.
« Je ne me suis jamais inscrit à leur service et je n’en avais jamais entendu parler jusqu’à ce que je détecte les chèques frauduleux sur mon compte », avait-elle indiqué, selon des documents judiciaires consultés par Le Journal.
Un résident du Nevada a, lui, été débité par au moins cinq entreprises frauduleuses entre 2016 et 2021. C’est que si les victimes ne remarquaient pas les transactions effectuées dans leurs comptes bancaires, les fraudeurs en profitaient et procédaient à d’autres paiements.
Un service à la clientèle était même à la disposition des consommateurs fraudés. Un fichier compilé par le groupe de Jannissar indiquait que 1200 communications avec des « clients » déposant une plainte avaient été effectuées en 2017.
Les agents « indiquaient aux victimes que les débits étaient des frais légitimes résultant de l’inscription de personnes à des services », mentionne-t-on dans un document de mise en accusation.
Une fois l’argent récolté, Jannissar et ses complices transféraient les montants vers des comptes bancaires canadiens.
Pour couvrir ses traces, il avait fourni à son comptable au Québec « de faux documents expliquant pourquoi les entreprises canadiennes recevaient de l’argent de comptes aux États-unis et il dissimulait que l’argent provenait d’une fraude provenant de sociétés fictives », peut-on lire dans des documents judiciaires.
Grâce aux fraudes, une entreprise américaine a notamment récolté près de 1,5 million $ US entre 2014 et 2021. De ce montant, 400 000 $ US ont été transférés à une compagnie québécoise appartenant à Jannissar et à un complice et
120 000 $ US leur ont été transférés directement. Cette personne, qui habitait jusqu’à récemment en Montérégie, n’a toutefois pas encore été arrêtée par les autorités américaines. « Le ministère de la Justice utilisera tous les outils à sa disposition pour appréhender et poursuivre en justice les criminels, qu’ils se trouvent à l’intérieur ou à l’extérieur des États-unis, qui volent des Américains », a souligné Brian M. Boynton, sous-procureur général adjoint à la division civile.
Poupak Jannissar devra rembourser ces près de 1,5 million $ US. Il sera de retour en cour en novembre prochain en vue d’obtenir sa sentence.
– Avec Nicolas Brasseur et Yves Lévesque, Bureau d’enquête
Des victimes d’un ex-prof de Sainthyacinthe, qui vivent encore avec les séquelles des décennies plus tard, espèrent maintenant qu’il purge une longue peine de détention puisqu’il n’a aucun remords.
« Il a été le loup dans la bergerie. » C’est ce qu’a déploré vivement une victime de Gilles Robineau dans une poignante lettre lue hier lors des observations sur la peine.
L’homme de 73 ans a été reconnu coupable en février d’agression sexuelle, contact sexuel et attentat à la pudeur sur sept élèves entre 1975 et 1981. Malgré le verdict, il continue de nier avoir eu des intentions sexuelles.
Les fillettes avaient entre 8 et 11 ans quand Robineau était leur enseignant en éducation physique dans des écoles primaires de Saint-hyacinthe. Leurs identités sont protégées par une ordonnance de la Cour.
Il a touché leurs parties génitales dans le vestiaire ou lors d’exercices sur un cheval-sautoir.
Au procès, une d’entre elles a raconté qu’il avait rentré ses doigts entre ses fesses et son léotard lors d’une leçon en dehors des heures de cours. Elle voulait alors apprendre à faire des « flips ».
DES GESTES RAVAGEURS
Dans leur lettre, plusieurs victimes ont déploré que Robineau ne reconnaisse toujours pas son crime, même s’il était passé aux aveux en 1981.
« Je souhaite qu’il reçoive une sentence assez forte pour qu’il réalise son manque de jugement. Sa malveillance comme personne d’autorité à qui on a confié des enfants, qui a choisi d’abuser et d’utiliser pour assouvir ses besoins », a souligné l’une d’elles.
Plusieurs souhaitent surtout qu’il obtienne de l’aide pour sa déviance. Notons qu’après une contestation de la défense, certains passages des lettres de victimes ne sont pas admissibles en preuve.
MARQUÉES AU FER ROUGE
Malgré qu’elles soient toutes âgées de la cinquantaine, ces femmes continuent de vivre avec des séquelles.
« Méfiance envers les hommes en autorité, peur, dégoût, sentiment de ne pas comprendre, tout était mélangé dans ma tête de petite fille. Comment y voir clair à cet âge ? C’est un fardeau que j’ai traîné pendant toutes ces années », a dit une victime.
Une autre a parlé de son manque d’estime en soi, sa vie sexuelle trop précoce et son adolescence difficile, marquée par la consommation de drogue et d’alcool.
Certaines sont mères et sont devenues hypervigilantes. « Étouffant même [mes enfants] à l’occasion », a expliqué une des femmes.
Les avocates de la Couronne et de la défense n’ont pas eu le temps de plaider au tribunal la peine qu’elles entendent demander.
Robineau porte en appel le verdict de culpabilité.