Une dame condamnée à rembourser plus de 43 000 dollars à la succession de son père
En avril dernier, une femme de Saint-michel-de-bellechasse a été condamnée à rembourser plus de 43 000 $ à la succession de son père. Sa soeur et ses deux frères ont émis des doutes sur sa gestion des biens de leur père.
Au-delà de la peine ressentie lors du décès d’un parent, la tâche de liquider une succession peut parfois occasionner des maux de tête par son ampleur, mais également pour les chicanes qu’elle peut provoquer au sein d’une famille. Pire, si la confiance entre les membres de cette famille est minée au point de se retrouver devant un tribunal, les honoraires des avocates et avocats peuvent rapidement dépasser la valeur de la succession.
Cette famille de Saint-michel-de-bellechasse l’a appris à ses dépens dans un jugement de la Cour supérieure rendu le 15 avril 2024.
DÉPENSES NON JUSTIFIÉES
Une dame et ses deux frères sont parvenus à démontrer à la cour que leur soeur, coliquidatrice de la succession de leur père décédé, a eu un comportement « hautement répréhensible » alors qu’elle assumait l’administration du patrimoine de ce dernier de son vivant.
Selon le jugement de la cour, cette dame s’est approprié, à son propre profit, des sommes d’argent prélevées des revenus de leur père, un ancien combattant. On lui reproche entre autres son incapacité « de justifier la disparition de dizaines de milliers de dollars alors qu’elle produit près de 500 factures pour justifier des dépenses parfois de moins de 10 $ », un constat qui nuit à sa crédibilité.
Pour cette raison, la coliquidatrice est déclarée indigne de succéder à son père. Elle est donc condamnée à rembourser à la succession l’héritage reçu de 5000 $ plus une somme de près de 38 500 $ qui aurait été prélevée de manière injustifiée des revenus du défunt. Elle a également été condamnée à verser 2000 $ à la succession à titre de dommages punitifs.
LA LIQUIDATION D’UNE SUCCESSION
La liquidatrice ou le liquidateur (autrefois appelé « exécuteur testamentaire ») est la personne qui se charge de régler la succession d’une défunte ou d’un défunt. Elle peut être nommée dans le testament de la personne décédée ou, si le testament ne nomme personne ou s’il n’y a pas de testament, par les héritières et héritiers.
La loi impose des obligations à la personne responsable de la liquidation d’une succession. Elle doit notamment agir avec prudence et diligence, honnêteté et loyauté et ne pas se placer en conflit d’intérêts. Si la liquidatrice ou le liquidateur prend des décisions déraisonnables, n’administre pas adéquatement la succession ou cache certaines informations, une personne concernée par la succession peut s’adresser au tribunal pour demander son remplacement. Ces démarches pourraient également permettre que la liquidatrice ou le liquidateur soit condamné à payer pour les torts qu’il a causés.
INDIGNE DE SUCCÉDER
Le Code civil du Québec prévoit les situations où une personne peut être déclarée indigne de succéder :
■ Celui qui a exercé des sévices sur le défunt ou a eu autrement envers lui un comportement hautement répréhensible ;
■ Celui qui a recelé, altéré ou détruit de mauvaise foi le testament du défunt ;
■ Celui qui a gêné le testateur dans la rédaction, la modification ou la révocation de son testament.
Dans le cas mentionné dans cet article, le juge de la Cour supérieure considère que le comportement de la dame dans l’administration du patrimoine de son père « constitue une situation de malversation », ce qui l’amène à la déclarer indigne de succéder.
ABSENCE D’INVENTAIRE
Bien que la dame ait été déclarée indigne de succéder à son père et condamnée à rembourser diverses sommes à la succession, le juge a rejeté la demande de sa soeur et ses frères pour qu’elle assume seule les honoraires des avocates et avocats découlant de ce procès. Pourquoi ?
Simplement parce que les héritières et héritiers ont consenti à dispenser les liquidatrices et le liquidateur de dresser un inventaire des biens de la personne décédée.
Lorsque les héritières et héritiers prennent une telle décision, ces personnes deviennent responsables du paiement des dettes de la personne décédée. Autrement dit, pour reprendre les mots du juge, par cette décision, elles ont « engagé leur propre patrimoine au paiement des dettes de la succession au-delà de la valeur des biens qu’ils ont recueillis », ce qui inclut le paiement des honoraires des avocates et avocats.
Puisque ces honoraires s’élèvent à plus de 120 000 $, le juge conclut que « considérant la valeur des actifs de la succession, aussi bien dire que l’héritage [du défunt] aura été consacré aux frais juridiques ».
Le droit change ! L’information juridique contenue dans ce texte est valide en date du 31 juillet 2024. Ce texte est informatif, ce n’est pas un avis juridique. Éducaloi est un organisme à but non lucratif qui a pour mission de vulgariser le droit et de développer les compétences juridiques de la population du Québec.