Les robots bouleversent l’univers de la transformation de la viande L’automatisation a notamment pour conséquence d’accroître la proportion de femmes dans les usines
Des tâches qui changent de nature pour les humains
À Saint-damase, en Montérégie, un robot passe des journées entières à trier des pilons de poulet pour les placer dans des barquettes de styromousse, et il n’est pas seul : il y a maintenant une cinquantaine de robots qui découpent les carcasses de porc et de volaille dans les différentes usines d’olymel.
Les transformateurs de viande recourent de plus en plus à ce genre de machine pour les aider dans leurs activités.
Olymel, le plus gros joueur de cette industrie au Québec, s’est lancé dans l’automatisation de ses activités il y a déjà plusieurs années. Selon l’entreprise, l’arrivée des robots a permis d’augmenter considérablement la cadence de production et de faciliter la vie de ses employés en leur permettant d’exécuter des tâches moins difficiles et moins répétitives.
« Au lieu d’avoir des gens sur la chaîne qui manoeuvrent les pièces de viande, on a des gens qui vont avoir des formations et des qualifications plus précises pour pouvoir supporter ces équipements », explique en entrevue le directeur principal à l’ingénierie chez Olymel, Jocelyn Gagné.
CADENCE PLUS RAPIDE
Selon lui, cette façon de procéder a l’avantage d’intensifier la cadence en réduisant le risque d’erreur dans les coupes.
« Même s’il y a certaines coupes que l’humain fait encore mieux que la machine, le robot est généralement plus précis parce qu’il est capable de reproduire continuellement le même mouvement sans se fatiguer », note l’ingénieur.
D’ailleurs, un coup d’oeil à la « vitesse d’abattage » permet de saisir l’ampleur de l’impact des robots dans la production.
Depuis 1990, le nombre de poulets abattus chaque heure dans une usine donnée est passé de 4300 à 16 000, une hausse de 272 % ! Dans le secteur du porc, l’augmentation a été plus modeste (+50 %), passant de 400 à 600 bêtes à l’heure, selon des chiffres fournis par Olymel.
TRÈS GROS INVESTISSEMENTS
Actuellement, il y a entre 50 et 60 robots à l’oeuvre dans les différentes usines de la compagnie, ce qui représente des investissements considérables.
« Un projet de robotisation, c’est rarement en dessous d’un million de dollars », dit M. Gagné, sans donner plus de détails.
Ces dispositifs ont généralement la forme d’un bras robotisé, au bout duquel est installée une « main » mécanique qui permet de réaliser une tâche en particulier.
Certains robots servent à éviscérer les bêtes, d’autres à faire les différentes coupes de viande, et d’autres encore trient les pièces sur un tapis roulant pour les disposer dans des barquettes de styromousse.
Le processus d’automatisation n’est d’ailleurs pas terminé, et d’autres projets sont en cours de développement. « On travaille sur un robot qui servira à retirer la “panne”, une membrane de gras à l’intérieur du porc qui doit actuellement s’enlever à la main », explique Jocelyn Gagné.
ILS NE VONT PAS NOUS REMPLACER
S’il convient que l’objectif de la robotisation est « de réduire à terme la dépendance à la maind’oeuvre », M. Gagné souligne en même temps que les machines ne vont jamais complètement remplacer les humains.
« Les tâches changent de nature », résume-t-il.
De fait, Olymel soutient que l’automatisation permet de pallier la pénurie d’employés.
« On a encore de gros besoins, et on engage beaucoup », souligne la directrice des communications corporatives, Mme Audrey Giboulet.
À cet égard, elle donne l’exemple de l’usine de transformation de porc à Yamachiche qui est passée de 256 à 703 employés entre 2017 et 2024. Notons toutefois que l’entreprise a également fermé plusieurs usines au cours des dernières années, à Vallée-jonction, Blainville, Laval et Saint-hyacinthe.
« ON A ENCORE DE
GROS BESOINS, ET ON
ENGAGE BEAUCOUP »
– Audrey Giboulet, directrice
des communications
corporatives chez Olymel
Il y a plus de femmes qui travaillent dans les abattoirs depuis l’arrivée des robots, constatent deux employés de longue date d’olymel pour illustrer à quel point ces machines sont en train de transformer l’industrie.
Steve Lachance avait 17 ans quand il a été engagé chez Olymel, en 1987. « C’était un autre monde », songe en entrevue celui qui est désormais contremaître à l’usine de Saint-damase, en Montérégie.
« On faisait tout, tout, tout, à la main, de l’abattage à l’emballage, jusqu’à l’écriture des codes sur les boîtes », ajoute aussitôt son collègue, Yves Leduc, entré dans l’entreprise à « 15 ans et demi », en 1974. « C’était difficile. »
Ainsi, même si apprendre à travailler avec les nouvelles technologies demande de l’adaptation, les deux hommes estiment qu’ils ont gagné au change en accueillant des robots dans leur vie quotidienne.
« Toute la mécanisation et la robotisation, ça facilite notre travail », dit M. Lachance.
« L’abattage, c’est plus simple que ce l’était dans le passé. Et aujourd’hui, tu as même des dames – des demoiselles ! – qui font le choix d’aller à l’abattage. C’est quelque chose qu’on ne voyait pas il y a 37 ans. »
Pour ne donner qu’un exemple, les femmes représentent aujourd’hui près d’un tiers (31 %) des employés à l’usine de Saint-damase.
« C’est beaucoup, considérant qu’il s’agit d’une industrie très masculine », commente la directrice des communications corporatives d’olymel, Audrey Giboulet.
De novembre 2013 à avril 2024, le nombre de femmes travaillant dans ces installations est passé de 91 à 158, selon des chiffres fournis par l’entreprise.
Dans le secteur « abattage et éviscération » seulement, elles sont 10 de plus qu’il y a une dizaine d’années. Une tendance similaire s’observe également dans les usines de transformation du porc.
COMPLÉMENTARITÉ
Quand on leur demande s’ils craignent de se faire voler leur emploi par des robots, M. Leduc et M. Lachance sourient un peu.
« Non, je ne pense pas que nos jobs soient en péril. Ils viennent améliorer notre travail, c’est tout. Je pense qu’on a besoin d’eux autres, et c’est niaiseux, mais eux autres aussi ils ont aussi besoin de nous », philosophe M. Lachance.
C’est le cas lorsqu’à l’occasion un robot rencontre un problème.
« Des fois, ça arrête de marcher, où ça ne fait plus les coupes à la bonne place. Souvent, ça va être à cause des capteurs, qui sont soit sales, soit brûlés, et parfois ce sont des erreurs de programmation », explique M. Lachance.
Cette difficulté n’est toutefois pas insurmontable : elle se règle suivant le même principe que tout le monde suit quand il a un problème avec son ordinateur.
« Tout simplement, on appuie sur reset, puis tout repart », illustre le contremaître.
« TOUTE LA MÉCANISATION ET LA ROBOTISATION, ÇA FACILITE NOTRE TRAVAIL. L’ABATTAGE, C’EST PLUS SIMPLE QUE CE L’ÉTAIT DANS LE PASSÉ »
– Steve Lachance, employé d’olymel depuis 1987
Au Québec, il y a près de 170 000 postes vacants à l’heure actuelle, et ce, à travers l’ensemble des secteurs de l’économie. Plusieurs entreprises manufacturières et de services disent qu’elles ont perdu plusieurs millions de dollars en raison du manque de main-d’oeuvre. Des emplois de métiers, bien rémunérés, constituent donc une opportunité pour des travailleurs d’améliorer leur situation financière. en collaboration avec le site Jobillico publiera chaque samedi une liste des meilleurs emplois de métiers de la semaine.