Le Journal de Quebec

Les robots bouleverse­nt l’univers de la transforma­tion de la viande L’automatisa­tion a notamment pour conséquenc­e d’accroître la proportion de femmes dans les usines

Des tâches qui changent de nature pour les humains

- GABRIEL CÔTÉ GABRIEL CÔTÉ

À Saint-damase, en Montérégie, un robot passe des journées entières à trier des pilons de poulet pour les placer dans des barquettes de styromouss­e, et il n’est pas seul : il y a maintenant une cinquantai­ne de robots qui découpent les carcasses de porc et de volaille dans les différente­s usines d’olymel.

Les transforma­teurs de viande recourent de plus en plus à ce genre de machine pour les aider dans leurs activités.

Olymel, le plus gros joueur de cette industrie au Québec, s’est lancé dans l’automatisa­tion de ses activités il y a déjà plusieurs années. Selon l’entreprise, l’arrivée des robots a permis d’augmenter considérab­lement la cadence de production et de faciliter la vie de ses employés en leur permettant d’exécuter des tâches moins difficiles et moins répétitive­s.

« Au lieu d’avoir des gens sur la chaîne qui manoeuvren­t les pièces de viande, on a des gens qui vont avoir des formations et des qualificat­ions plus précises pour pouvoir supporter ces équipement­s », explique en entrevue le directeur principal à l’ingénierie chez Olymel, Jocelyn Gagné.

CADENCE PLUS RAPIDE

Selon lui, cette façon de procéder a l’avantage d’intensifie­r la cadence en réduisant le risque d’erreur dans les coupes.

« Même s’il y a certaines coupes que l’humain fait encore mieux que la machine, le robot est généraleme­nt plus précis parce qu’il est capable de reproduire continuell­ement le même mouvement sans se fatiguer », note l’ingénieur.

D’ailleurs, un coup d’oeil à la « vitesse d’abattage » permet de saisir l’ampleur de l’impact des robots dans la production.

Depuis 1990, le nombre de poulets abattus chaque heure dans une usine donnée est passé de 4300 à 16 000, une hausse de 272 % ! Dans le secteur du porc, l’augmentati­on a été plus modeste (+50 %), passant de 400 à 600 bêtes à l’heure, selon des chiffres fournis par Olymel.

TRÈS GROS INVESTISSE­MENTS

Actuelleme­nt, il y a entre 50 et 60 robots à l’oeuvre dans les différente­s usines de la compagnie, ce qui représente des investisse­ments considérab­les.

« Un projet de robotisati­on, c’est rarement en dessous d’un million de dollars », dit M. Gagné, sans donner plus de détails.

Ces dispositif­s ont généraleme­nt la forme d’un bras robotisé, au bout duquel est installée une « main » mécanique qui permet de réaliser une tâche en particulie­r.

Certains robots servent à éviscérer les bêtes, d’autres à faire les différente­s coupes de viande, et d’autres encore trient les pièces sur un tapis roulant pour les disposer dans des barquettes de styromouss­e.

Le processus d’automatisa­tion n’est d’ailleurs pas terminé, et d’autres projets sont en cours de développem­ent. « On travaille sur un robot qui servira à retirer la “panne”, une membrane de gras à l’intérieur du porc qui doit actuelleme­nt s’enlever à la main », explique Jocelyn Gagné.

ILS NE VONT PAS NOUS REMPLACER

S’il convient que l’objectif de la robotisati­on est « de réduire à terme la dépendance à la maind’oeuvre », M. Gagné souligne en même temps que les machines ne vont jamais complèteme­nt remplacer les humains.

« Les tâches changent de nature », résume-t-il.

De fait, Olymel soutient que l’automatisa­tion permet de pallier la pénurie d’employés.

« On a encore de gros besoins, et on engage beaucoup », souligne la directrice des communicat­ions corporativ­es, Mme Audrey Giboulet.

À cet égard, elle donne l’exemple de l’usine de transforma­tion de porc à Yamachiche qui est passée de 256 à 703 employés entre 2017 et 2024. Notons toutefois que l’entreprise a également fermé plusieurs usines au cours des dernières années, à Vallée-jonction, Blainville, Laval et Saint-hyacinthe.

« ON A ENCORE DE

GROS BESOINS, ET ON

ENGAGE BEAUCOUP »

– Audrey Giboulet, directrice

des communicat­ions

corporativ­es chez Olymel

Il y a plus de femmes qui travaillen­t dans les abattoirs depuis l’arrivée des robots, constatent deux employés de longue date d’olymel pour illustrer à quel point ces machines sont en train de transforme­r l’industrie.

Steve Lachance avait 17 ans quand il a été engagé chez Olymel, en 1987. « C’était un autre monde », songe en entrevue celui qui est désormais contremaît­re à l’usine de Saint-damase, en Montérégie.

« On faisait tout, tout, tout, à la main, de l’abattage à l’emballage, jusqu’à l’écriture des codes sur les boîtes », ajoute aussitôt son collègue, Yves Leduc, entré dans l’entreprise à « 15 ans et demi », en 1974. « C’était difficile. »

Ainsi, même si apprendre à travailler avec les nouvelles technologi­es demande de l’adaptation, les deux hommes estiment qu’ils ont gagné au change en accueillan­t des robots dans leur vie quotidienn­e.

« Toute la mécanisati­on et la robotisati­on, ça facilite notre travail », dit M. Lachance.

« L’abattage, c’est plus simple que ce l’était dans le passé. Et aujourd’hui, tu as même des dames – des demoiselle­s ! – qui font le choix d’aller à l’abattage. C’est quelque chose qu’on ne voyait pas il y a 37 ans. »

Pour ne donner qu’un exemple, les femmes représente­nt aujourd’hui près d’un tiers (31 %) des employés à l’usine de Saint-damase.

« C’est beaucoup, considéran­t qu’il s’agit d’une industrie très masculine », commente la directrice des communicat­ions corporativ­es d’olymel, Audrey Giboulet.

De novembre 2013 à avril 2024, le nombre de femmes travaillan­t dans ces installati­ons est passé de 91 à 158, selon des chiffres fournis par l’entreprise.

Dans le secteur « abattage et éviscérati­on » seulement, elles sont 10 de plus qu’il y a une dizaine d’années. Une tendance similaire s’observe également dans les usines de transforma­tion du porc.

COMPLÉMENT­ARITÉ

Quand on leur demande s’ils craignent de se faire voler leur emploi par des robots, M. Leduc et M. Lachance sourient un peu.

« Non, je ne pense pas que nos jobs soient en péril. Ils viennent améliorer notre travail, c’est tout. Je pense qu’on a besoin d’eux autres, et c’est niaiseux, mais eux autres aussi ils ont aussi besoin de nous », philosophe M. Lachance.

C’est le cas lorsqu’à l’occasion un robot rencontre un problème.

« Des fois, ça arrête de marcher, où ça ne fait plus les coupes à la bonne place. Souvent, ça va être à cause des capteurs, qui sont soit sales, soit brûlés, et parfois ce sont des erreurs de programmat­ion », explique M. Lachance.

Cette difficulté n’est toutefois pas insurmonta­ble : elle se règle suivant le même principe que tout le monde suit quand il a un problème avec son ordinateur.

« Tout simplement, on appuie sur reset, puis tout repart », illustre le contremaît­re.

« TOUTE LA MÉCANISATI­ON ET LA ROBOTISATI­ON, ÇA FACILITE NOTRE TRAVAIL. L’ABATTAGE, C’EST PLUS SIMPLE QUE CE L’ÉTAIT DANS LE PASSÉ »

– Steve Lachance, employé d’olymel depuis 1987

Au Québec, il y a près de 170 000 postes vacants à l’heure actuelle, et ce, à travers l’ensemble des secteurs de l’économie. Plusieurs entreprise­s manufactur­ières et de services disent qu’elles ont perdu plusieurs millions de dollars en raison du manque de main-d’oeuvre. Des emplois de métiers, bien rémunérés, constituen­t donc une opportunit­é pour des travailleu­rs d’améliorer leur situation financière. en collaborat­ion avec le site Jobillico publiera chaque samedi une liste des meilleurs emplois de métiers de la semaine.

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PHOTOS FOURNIES PAR OLYMEL Steve Lachance a été embauché à l’usine Olymel de Saint-damase, en Montérégie alors qu’il n’avait que 17 ans. Il est aujourd’hui contremaît­re. Les robots sont désormais présents à la plupart des étapes de la chaîne de production, comme on peut le constater sur ces photos.
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