Le Journal de Quebec

Elle craint d’être attaquée en public

Une Ukrainienn­e accuse le Canada laxiste face à la persécutio­n dont elle se dit victime à Montréal

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Anna (nom fictif) n’ose plus parler en ukrainien dans les rues de Montréal, car elle redoute d’être attaquée, chose qu’elle croyait auparavant impensable au Canada.

Cela fait au moins trois fois au cours des derniers mois que la jeune mère de deux enfants se fait agresser verbalemen­t par des locuteurs russes qui l’entendent s’exprimer dans sa langue maternelle.

Depuis, Anna vit dans la peur et refuse de s’exprimer à visage découvert.

Elle craint, si elle est identifiée, qu’on la harcèle dans les rues ou sur les réseaux sociaux. Ou pire.

La jeune femme dit prendre maintenant plusieurs précaution­s pour sa sécurité.

Elle garde notamment son adresse secrète.

« Je suis contente, car la porte de l’immeuble est barrée et on a un interphone. »

Elle déplore le fait que le Canada ne protège pas assez les ressortiss­ants qui ont peur de leur pays d’origine.

« On est beaucoup plus lousses [que d’autres pays] en matière de sécurité nationale. On le voit avec les postes de police chinois ou encore avec l’assassinat politique d’un leader sikh l’an dernier. Comme si on ne comprenait pas dans quel monde on vit et à quel point il faut faire attention », dit celle qui travaille pour la fonction publique fédérale depuis quelques années.

FIÈRE DE SES ORIGINES

Née dans les années 1980 en Russie d’un père russe et d’une mère ukrainienn­e, Anna a grandi à Ternopil, en Ukraine. Grâce à des bourses, elle a étudié aux États-unis quelques années avant de s’établir ici en 2015. Mariée à un Québécois, elle a appris rapidement le français et s’est impliquée dans la communauté ukrainienn­e de Montréal.

« En 2020, lorsque mon premier enfant est né, j’ai accroché le drapeau de l’ukraine à sa poussette. Je suis une fière Ukrainienn­e. Mais je ne ferais plus ça aujourd’hui. Par peur de provoquer quelqu’un », dit-elle.

C’est qu’anna et d’autres membres de la communauté ukrainienn­e affirment subir depuis plusieurs mois de l’intimidati­on en raison de leur nationalit­é d’origine.

PLUSIEURS INCIDENTS

L’an dernier, lors d’une manifestat­ion pacifique devant le consulat russe, Anna, alors enceinte de huit mois, a aussi été suivie et harcelée par une femme russophone, selon une vidéo que nous avons pu consulter et que nous avons choisi de ne pas publier pour protéger son identité.

Elle a dû trouver refuge au consulat polonais situé à proximité.

Dans une autre vidéo que nous avons vue, elle a aussi été témoin d’une altercatio­n entre son amie ukrainienn­e et deux hommes russophone­s qui s’en sont pris à elle à leur sortie du consulat russe au printemps dernier.

Ces derniers ont dit à Anna et à son amie, qui manifestai­ent pacifiquem­ent devant le consulat, que tous les Ukrainiens

devraient mourir et qu’une bombe nucléaire devrait frapper l’ukraine.

PAS LA SEULE

Michael Shwec, président de la section québécoise du Congrès ukrainien canadien, confirme qu’il ne s’agit pas de cas isolés.

« L’intimidati­on directe nous est rarement rapportée, car les gens ont peur. Mais on nous rapporte beaucoup de cas de vandalisme. »

Le consul général de la Fédération de Russie à Montréal, Alexander Aleksandro­vich Noskov, qui a accordé une entrevue à notre Bureau d’enquête, nie que la Russie puisse s’en prendre à des ressortiss­ants ukrainiens en sol canadien.

« Pour moi, ces histoires [d’intimidati­on] sont des contes de fées. Des histoires que les gens racontent pour attirer la pitié. Des Russes qui vivent ici pourraient raconter les mêmes histoires », a-t-il commenté.

– Avec la collaborat­ion de Chrystian Viens et d’yves Lévesque

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PHOTOS BEN PELOSSE
 ?? ?? Anna (nom fictif), une Montréalai­se d’origine ukrainienn­e, se sent moins en sécurité dans les rues de la métropole depuis l’invasion russe de l’ukraine en 2022. Le consul de Russie à Montréal, Alexander Aleksandro­vich Noskov, nie pour sa part que son pays puisse s’en prendre à des Ukrainiens en sol canadien.
Anna (nom fictif), une Montréalai­se d’origine ukrainienn­e, se sent moins en sécurité dans les rues de la métropole depuis l’invasion russe de l’ukraine en 2022. Le consul de Russie à Montréal, Alexander Aleksandro­vich Noskov, nie pour sa part que son pays puisse s’en prendre à des Ukrainiens en sol canadien.
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