Le Journal de Quebec

Dans une « dompe », on se conduit comme un « bum » !

- Richard.martineau @quebecorme­dia.com

Question quiz du jour : avezvous remarqué que la criminalit­é a commencé à augmenter à Montréal à la même époque où la ville a commencé à s’enlaidir ?

On dirait que plus la métropole s’enlaidissa­it, plus elle devenait dangereuse.

Comme si les deux phénomènes allaient de pair.

En criminolog­ie, on appelle ça l’hypothèse de la vitre brisée.

LA SPIRALE VERS LE BAS

Cette théorie a été développée par le politologu­e James Q. Wilson et le criminolog­ue George L. Kelling dans la revue américaine The Atlantic en mars 1982.

Dans un article intitulé Broken Windows, ces deux professeur­s affirmaien­t que ce n’est pas la délinquanc­e qui fait qu’une ville se dégrade, au contraire : c’est la dégradatio­n d’une ville qui encourage la délinquanc­e !

Ils ont appelé ça la théorie de la vitre brisée parce qu’ils ont remarqué que plus il y a de vitres brisées dans un bâtiment, plus les gens qui vivent près de ce bâtiment vont avoir tendance à briser les autres vitres qui ne sont pas cassées.

Il y a un effet d’entraîneme­nt : plus il y a de vitres brisées, plus les gens briseront des vitres.

Ce qu’on appelle ici la loi Hygrade (plus elles sont fraîches, plus les gens en mangent, plus les gens en mangent, plus elles sont fraîches).

Pour Wilson et Kelling, plus une ville se délabre, plus les gens qui y vivent ont tendance à se comporter de façon grossière, rustre, pour ne pas dire incivile.

Quand tu vis dans une ville qui est belle, tu as tendance à bien te comporter.

Quand tu vis dans une ville qui ressemble à une « dompe », eh bien, tu as tendance à te comporter comme un « bum ».

Montréal ressemble à une

« dompe ».

Pas étonnant que la criminalit­é augmente !

Tu regardes autour de toi et tu te dis : « Bof, qu’est-ce que ça va changer si je pisse ou je chie dans la rue ? Le quartier ressemble déjà à une toilette ! Un étron de plus ou de moins... »

Un jour, c’est ton hygiène qui prend le bord.

Et le lendemain, c’est ta morale.

Le non-respect des lieux mène au non-respect des lois.

L’EXEMPLE DE NEW YORK

Avant de devenir un clown pitoyable qui lèche les bottes de Trump et se teint les cheveux avec du cirage à chaussures, Rudolph Giuliani a été maire de New York. Et un bon maire, paraît-il.

Pour sortir sa ville de la fosse septique où elle croupissai­t depuis trop longtemps, il a fait deux choses : il a augmenté considérab­lement le nombre de policiers qui patrouilla­ient dans les rues, et il s’est attaqué à la laideur de la ville.

Les commerces placardés, la saleté, les graffitis. Et, oui, les vitres cassées.

Résultat : le visage de New York a changé du tout au tout.

La ville n’est pas seulement devenue plus belle. Elle est devenue moins dangereuse.

Certains nostalgiqu­es s’ennuient des années 70 quand le quartier de Times Square ressemblai­t à un vieux cinéma porno, avec ses planchers collants et ses bancs défoncés.

Ils déplorent ce qu’ils appellent la « Disneysati­on » de New York.

Effectivem­ent, New York est devenue une ville « pour toute la famille ». Elle est moins « folkloriqu­e », mettons.

Mais elle est pas mal plus agréable !

Nos élus veulent sortir Montréal de la schnoutte ?

Qu’ils commencent par s’attaquer aux nids de poule, aux rues défoncées, aux graffitis, aux taudis, aux bâtiments abandonnés, aux commerces placardés, aux squats, à la saleté...

Et qu’ils donnent envie aux jeunes policiers de venir y travailler.

Les jeunes recrues de Nicolet vont avoir envie de patrouille­r dans les rues de Montréal le jour où ils sentiront qu’ils ont le soutien de la mairie.

Qu’on ne les considère pas comme « un mal nécessaire ».

Et qu’on ne les obligera pas à faire leur dur boulot une main attachée dans le dos et une épée de Damoclès se balançant au-dessus de leur tête.

Plus une ville se dégrade, plus la criminalit­é grimpe...

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