Quand la CIA « lavait des cerveaux » à Montréal
Les familles de patients qui ont subi un lavage de cerveau par la CIA il y a plus de 60 ans dans un hôpital psychiatrique de Montréal craignent de ne pas obtenir d’indemnisations parce que le gouvernement fédéral et l’Université McGill ont déposé des requêtes pour rejeter leur poursuite.
Selon La Presse canadienne, Ottawa et le Centre universitaire de santé McGill ont déposé des requêtes en Cour supérieure du Québec, arguant que les réclamations étaient prescrites – qu’elles auraient dû être déposées il y a des années, voire des décennies, lorsque les faits entourant l’affaire ont été révélés. La poursuite demande près d’un million de dollars par famille.
De nombreuses poursuites ont été intentées dans cette affaire au fil des ans, sans grand succès.
Il s’agit de victimes du programme ultra-secret MK-ULTRA de la CIA qui visait à prendre le contrôle du cerveau de personnes visées notamment à l’aide de psychotropes, dont le LSD. Sa partie canadienne était dirigée par le psychiatre Donald Ewen Cameron à l’Institut Allan Memorial de l’Université McGill.
Je suis cette affaire depuis de nombreuses années.
En 2019, une des multiples demandes de recours collectif déposées au nom de patients du Dr Cameron affirmait que certains de ses traitements n’étaient « rien de plus qu’une lobotomie électronique », les laissant incapables « de fonctionner dans la société et au sein de leur famille ».
Jusqu’en 1964, des patients, qui souffraient de problèmes mentaux relativement bénins, comme l’anxiété ou la dépression post-partum, sont soumis par Cameron à des thérapies électroconvulsives – des chocs
– de 30 à 40 fois la puissance normalement requise.
Des patients de l’horrible médecin sont également plongés dans des comas induits par des psychotropes.
Selon les plaignants, McGill et l’Allan Memorial Institute « auraient participé, étaient au courant ou ont autrement permis » les expériences de Cameron.
En 1992, vingt-cinq ans après la mort de Cameron, le gouvernement de Brian Mulroney avait versé un règlement de 100 000 $ à 77 de ses victimes – tout en rejetant les demandes de plus de 250 autres.
QUAND LA RÉALITÉ DÉPASSE LA FICTION
Dans le célèbre film The Manchurian Candidate de 1962, un prisonnier de guerre américain en Corée du Nord subit un lavage de cerveau et est « mentalement reprogrammé » afin d’être renvoyé aux États-Unis en tant qu’agent dormant et assassin. Ça conforte la culture conspirationniste des Américains de l’époque, qui ne semble d’ailleurs pas avoir beaucoup changé depuis. Ce qu’ils ne savent pas, c’est que leur propre gouvernement menait des expériences de lavage de cerveau à grande échelle.
La CIA était alors convaincue que les Russes avaient découvert un médicament ou une technique qui leur permettait de contrôler l’esprit humain. Voulant faire de même, le 13 avril 1953, le directeur de la CIA, Allen Dulles, approuve le programme, nom de code MK-ULTRA, dont l’objectif est de mettre au point une technique de contrôle cérébral qui pourrait être utilisée contre les ennemis des États-Unis.
MK-ULTRA : UNE PERTE DE TEMPS
Le Dr Donald Cameron, qui a commis ces monstruosités, a été le premier président de la World Psychiatric Association et a aussi présidé des associations psychiatriques canadiennes et américaines.
En 1973, le directeur de la CIA, Richard Helms, a donné l’ordre de détruire tous les dossiers se rapportant à MK-ULTRA. Sidney Gottlieb, le cadre de l’agence qui a dirigé le programme pendant deux décennies, a déclaré que l’ensemble de l’exercice avait été une perte de temps.