PETER STASTNY PLEURE GILLES LÉGER
L’ex-vedette des Nordiques est convaincue que le bâtisseur mérite d’être intronisé au Temple de la renommée
Personne n’a joué un rôle plus instrumental dans la venue des frères Stastny chez les Nordiques que Gilles Léger, décédé dans la plus grande discrétion le 6 août dernier. Peter Stastny, qui pleure la perte de ce « grand bonhomme de hockey à cigare », lance un cri du coeur pour qu’il soit intronisé au Temple de la renommée.
Gilles Léger a rendu les armes à 83 ans des suites d’une pneumonie, de la même manière qu’il a mené sa longue carrière, dans l’ombre, sans éclat. Ce n’est que mercredi que son décès a été rendu public.
Voilà qui ne signifie certainement pas qu’il ne mériterait pas plus de reconnaissance.
Celui qui s’est surtout fait connaître au Québec comme directeur général adjoint des Nordiques jusqu’en 1995 a ensuite été dépisteur pour les Oilers et les Rangers pendant les 23 saisons suivantes.
Son plus grand coup d’éclat a été réalisé le 26 août 1980, lorsqu’il a aidé les frères Peter et Anton Stastny à fuir le régime communiste en Tchécoslovaquie pour s’établir à Québec afin de propulser les Nordiques à un autre niveau. Marian les rejoignait un an plus tard.
« J’ai reçu un message de la fille de Gilles, Kim, et elle m’a dit que c’était un soulagement parce qu’il a beaucoup souffert. La famille a été chanceuse d’avoir pu l’avoir à ses côtés aussi longtemps », a confié Peter Stastny au Journal.
UN GRAND INNOVATEUR
Ce dernier a toujours admiré Léger pour son esprit visionnaire. Il a été le premier à aider un joueur européen à franchir le Rideau de fer en passant à l’Ouest, en 1973. Incidemment, il s’agissait de Vaclav Nedomansky, idole de jeunesse de Stastny.
Il y a quelques années, Stastny n’a donc pas hésité une seconde lorsqu’on lui a demandé de rédiger une lettre de recommandation pour que Gilles Léger soit intronisé au Temple de la renommée du hockey.
« Il a changé le cours du hockey en amenant des joueurs européens importants qui ont eu un impact sur notre sport. Le hockey européen misait beaucoup sur la possession de rondelle et c’est ce style qui a été amené dans la LNH au début des années 1980.
« Il mérite d’être élu dans la catégorie des bâtisseurs. Il est la définition même du mot bâtisseur. C’était difficile d’être plus visionnaire. Il faut reconnaître ses contributions au hockey », a plaidé le numéro 26 des Nordiques.
PREMIÈRE IMPRESSION
C’est un pur hasard qui a voulu que les deux hommes discutent une première fois. Quand Peter et Anton Stastny ont décidé de quitter la Tchécoslovaquie, Peter a téléphoné au bureau des Nordiques en demandant le directeur général Maurice Filion, qui était absent. C’est Léger qui a pris le téléphone et le reste appartient à l’histoire.
Ce dernier a sauté dans le premier avion vers Innsbruck, en Autriche, et dans une histoire digne des grandes sagas d’espionnage, il est parvenu à ramener les Stastny.
« Au départ, je ne le connaissais pas du tout. Je ne savais pas quoi penser. Je me souviens de ce premier moment avec lui, le gars qui négociait avec son gros cigare dans une chambre pleine de fumée et qui volait en première classe. C’était mémorable ! », a rigolé Stastny.
DES LIENS ÉTROITS
Arrivé à Québec, Peter n’a pas mis trop de temps à découvrir le vrai Gilles Léger.
« Il était un grand homme de hockey et de famille. Il s’est mis à nous inviter à sa maison pour de gros barbecues, et nos familles ont fait connaissance. Plus j’ai appris à le connaître et plus je l’ai apprécié.
« Il s’est placé dans des situations très dangereuses pour recruter des joueurs dans des pays communistes qui n’étaient pas très équitables », a-t-il résumé.
Stastny se console en disant que Gilles Léger a mené « une vie merveilleuse ».
On pourrait même dire qu’il est probablement l’homme le plus ordinaire à avoir vécu une existence aussi extraordinaire.