L’IA ne remplacera jamais les juges et les avocats
« ÇA PRENDRA TOUJOURS UN HUMAIN DANS LA BOUCLE POUR GARANTIR LA CONFIANCE. LA CONNEXION ÉMOTIONNELLE DEMEURE. » – Catherine Claveau, bâtonnière du Barreau du Québec
L’IA permettra d’améliorer le rendement au travail des acteurs du système judiciaire, mais ne remplacera jamais le rôle des humains dans le processus, estiment des spécialistes en la matière.
« Ça prendra toujours un humain dans la boucle pour garantir la confiance. La connexion émotionnelle demeure », affirme Me Catherine Claveau, bâtonnière du Barreau du Québec.
Depuis quelques années déjà, l’intelligence artificielle s’est immiscée dans plusieurs secteurs d’activités. Le système judiciaire ne fait pas exception.
La bâtonnière voit plutôt d’un bon oeil la progression de cette technologie, et cela, sans pour autant craindre qu’un acteur du système ne soit remplacé par un robot.
NOUVELLES COMPÉTENCES
« Il faut voir l’IA comme une opportunité, mais être réaliste qu’elle peut présenter certains revers, lorsqu’utilisée sans encadrement », observe Mme Claveau.
Même son de cloche pour Me Nicolas Vermeys, professeur en droit à l’Université de Montréal et directeur adjoint du Laboratoire de cyberjustice. Il y voit davantage une gestion différente du temps pour ces acteurs.
« Il y a une série de tâches et fonctions qui ne seront plus les mêmes », avance-t-il. « Il faudra que les juristes s’adaptent, s’approprient les outils. Il y aura développement de nouvelles compétences. »
« Est-ce que ça va remplacer un avocat ? Non ! » poursuit-il. « Mais, pourrais-je justifier de facturer le même montant pour écrire une lettre dont le premier jet a été écrit par ChatGPT, par exemple ? Ça aussi… La réponse est non. »
D’ailleurs, ces multiples agents conversationnels tels que ChatGPT et OpenAI, qui génèrent les réponses les plus probables, soulèvent un des plus gros doutes sur cette nouvelle technologie.
VALIDER L’INFORMATION
Les experts consultés par ne pourraient marteler davantage l’importance de la vérification, autant pour le public que pour les juristes.
Ils ont cité en exemple le cas de Steven A. Schwatz, un avocat américain qui a utilisé l’IA pour préparer une poursuite civile en 2023. Son document citait quelques décisions… entièrement inventées par ChatGPT.
À ce jour, aucun cas de la sorte n’aurait encore été répertorié au Québec, disent-ils.
« Il faut faire attention et utiliser des outils sûrs. S’assurer que derrière la machine, il y a un juriste qui valide l’information », prévient Me Claveau, précisant que des mises en garde sont émises par les tribunaux.
DEVOIR D’ÉVOLUTION
Pour sa part, Me Vermeys craint toutefois pour la formation des futurs juristes.
« On a tous commencé à la photocopie, à la recherche documentaire. C’est ainsi qu’on est devenus des bons avocats. Si on donne tous les jobs de bras à l’IA, comment va-t-on former la relève ? » se demande-t-il.
« L’IA fait partie de nos vies. Elle est là pour rester. Il ne faut pas faire comme si elle n’existait pas. Notre rôle est de réitérer l’importance de l’humain derrière la machine, de respecter les obligations déontologiques et le secret professionnel, mais on a aussi un devoir [de faire] évoluer notre pratique avec les outils qui se modernisent », conclut Me Claveau.