Le Journal de Montreal

Le fédéral ne met pas ses culottes en autorisant la destructio­n de 37 lacs et cours d’eau au Québec

- Écosociolo­gue et cofondatri­ce d’Équiterre

On apprenait cette semaine que le gouverneme­nt fédéral autorise la destructio­n de 37 plans d’eau, dont 8 lacs, pour servir de poubelles à l’industrie minière.

Adieu lac Bloom et autres écosystème­s au nord de Fermont où habitent plusieurs centaines d’espèces de poissons, d’amphibiens, d’oiseaux et de plantes de toutes sortes.

Tant pis. On vous asphyxie.

DESTRUCTIO­N À PERPÉTUITÉ

Au lieu de protéger l’environnem­ent en faisant respecter la Loi sur les pêches, Steven Guilbeault donne son aval à une autorisati­on aberrante, déjà accordée par le gouverneme­nt du Québec.

Il ne met pas les culottes que lui confie son titre de ministre de l’Environnem­ent et du Changement climatique du Canada.

Comme le gouverneme­nt Legault, il fait fi des recommanda­tions du BAPE, des avis scientifiq­ues et de l’opinion publique.

Grâce à cette irresponsa­bilité environnem­entale, Champion Iron transforme­ra en poubelle 156 hectares d’habitats divers, dont celui du grand brochet et du grand corégone.

Au total, 1,28 milliard de tonnes de déchets miniers y seront déversées sur environ 20 ans. C’est l’équivalent en volume de 30 millions de camions 12 roues chargés à bloc. Pare-chocs à pare-chocs, ils feraient neuf fois le tour de la Terre.

C’est ainsi qu’on se permet de sacrifier à perpétuité des écosystème­s qui sont le fruit de millions d’années d’évolution.

Quel héritage laissons-nous à nos enfants sur des terres qui nous appartienn­ent collective­ment ?

Une décision à la fois, on détruit le patrimoine naturel dont leur avenir dépend.

UTILISER LES FOSSES

Cette autorisati­on est d’autant plus aberrante, sachant que Champion Iron pourrait remblayer ses déchets miniers dans les fosses à ciel ouvert qu’elle a elle-même creusées.

Cette pratique est commune dans l’industrie minière au Québec comme ailleurs. Elle coûte cependant « plus cher » que d’utiliser les cours d’eau comme poubelles.

Mais c’est seulement parce qu’on ne tient pas compte de l’immense valeur de notre patrimoine naturel.

J’entends certains me dire : « Oui, mais les emplois ! »

Utiliser les fosses créerait plus d’emplois, mais générerait moins de profits. Ça ne plaît évidemment pas à la compagnie.

QUELS CHOIX DE SOCIÉTÉ ?

Sacrifier 37 cours d’eau est cher payé pour des emplois en territoire éloigné. Surtout quand on sait qu’il serait possible d’opérer la mine avec une beaucoup plus petite empreinte environnem­entale, mais aussi sociale.

Les impacts du « fly-in, fly-out » sont aussi à considérer. Plusieurs centaines d’employés doivent se rendre à Fermont en avion pour des périodes de quelques semaines ou mois.

Cette pratique est d’ailleurs une des justificat­ions pour l’agrandisse­ment de l’aéroport de Saint-Hubert, en plus de générer des GES.

On doit se demander s’il s’agit du type de développem­ent que l’on souhaite pour le Québec. D’autant plus qu’en ce moment, il y a pénurie de main-d’oeuvre dans des secteurs qui sont vitaux pour notre qualité de vie : constructi­on et rénovation, transport collectif, santé, éducation, etc.

Une fois de plus, ce sont des choix économique­s à court terme qui l’emportent sur la nécessité de protéger les milieux naturels.

Ce n’est pas du développem­ent durable. Ce n’est pas dans l’intérêt de nos enfants.

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