Le Journal de Montreal

Le reniement du Canada français

NDLR : Le texte qui suit est une adaptation de passages du plus récent ouvrage de Christian Dufour, Plus que jamais la liberté, qui repose en partie sur des chroniques qu’il a signées il y a quelques années dans les pages du

- Journal. Christian Dufour, Auteur de plusieurs ouvrages traitant notamment de la question nationale, dont Le Défi québécois (1989)

La raison pour laquelle la démarche d’affirmatio­n québécoise issue de la Révolution tranquille a non seulement échoué, mais empiré la situation, est que cette démarche était trop éloignée de ce que les Québécois ordinaires voulaient vraiment et de ce qu’ils veulent encore sans doute aujourd’hui.

Ce à quoi les Québécois aspiraient, ce n’était pas l’indépendan­ce, mais une relation avec le reste du pays qui n’est plus basée sur une Conquête britanniqu­e qu’ils avaient subie deux siècles auparavant et sur laquelle le Canada qu’ils avaient historique­ment mis au monde restait structurel­lement bâti.

RENIEMENT D’UN PASSÉ

Alors que la Révolution tranquille n’avait rien d’anticanadi­en au départ, une trop grande partie des élites et des intellectu­els en sont venus à prendre leurs désirs pour la réalité. Ils ont fait comme si le Québec avait commencé en 1960, comme s’il n’y avait pas eu, auparavant, pendant plus d’un siècle après les rébellions de 1837-38, un Canada français trop colon à leur goût pour que l’on en garde quelque chose.

C’est ce honteux reniement d’un passé plein de pouvoir accumulé qui a fait oublier à tout ce beau monde que le Québec restait trop profondéme­nt canadien pour assurer le succès de l’aventure souveraini­ste.

L’échec référendai­re de 1980 permit à Pierre Elliott Trudeau de détourner à ses fins l’énorme énergie gaspillée dans un idéal souveraini­ste qui aboutirait à la diminution des pouvoirs du seul gouverneme­nt contrôlé par une majorité francophon­e sur le continent, pavant la voie à ce multicultu­ralisme sans limites qui nous tue peu à peu.

PEUPLE FONDATEUR DU CANADA

On ne saurait changer la dynamique structuran­t la relation Canada-Québec si on oublie que les Québécois sont les Canadiens de base au plan identitair­e, que ce sont eux le peuple fondateur du Canada historique­ment.

Un Canadien, au départ, c’est un « Canayen », un habitant de la vallée du Saint-Laurent qui parle français. Ce fut ainsi pendant la majeure partie de l’histoire du Canada, de la fin du XVIIe siècle – à Versailles la Nouvelle-France était appelée le « Canada » – jusqu’à la fin du XIXe siècle. Pendant deux cents ans, les seuls à s’appeler eux-mêmes et à être appelés par les autres « Canadiens » étaient les ancêtres des francophon­es d’aujourd’hui.

Les Autochtone­s ? Lorsqu’arrivent les Britanniqu­es en 1763, ils sont confrontés à des Anciens Canadiens cohabitant avec des Indiens à qui il ne serait jamais venu à l’idée de s’appeler Canadiens. Les premiers habitants du pays sont les plus récents Canadiens sur le plan identitair­e, la crise d’Oka ayant contribué en 1990 à la « canadianis­ation » tardive des Amérindien­s.

Si les Québécois sont réticents à quitter un Canada où ils sont de moins en moins respectés, c’est beaucoup en raison de ces choses. Plus qu’une troisième défaite référendai­re nous faisant perdre encore plus de pouvoir, nos priorités devraient être pour l’heure le combat contre le multicultu­ralisme délirant, l’imposition de la loi 101 au cégep de même que la reconnaiss­ance constituti­onnelle du Québec comme une société distincte au Canada.

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