Le Journal de Montreal

Legault devrait utiliser les bâtons de Barrette

- Antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

Quand une négociatio­n s’entame avec les médecins de famille, François Legault a le réflexe de montrer les muscles.

Lundi, en entrevue avec Paul Larocque, il n’a pas dérogé à cette habitude : « Ça va être dur, mais il faut avoir le courage. Je vais aller jusqu’au bout. »

Mais quel est ce « bout » exactement, se demandait l’ancien ministre Gaétan Barrette, à La joute à LCN, l’autre jour ? Excellente question !

BÂTONS

Voici un « bout » qui est, selon mes sources, sérieuseme­nt envisagé par le gouverneme­nt : Barrette, en 2014, avait tenu à inscrire dans sa loi 20 certaines dispositio­ns afin que le gouverneme­nt ait un rapport de force face aux médecins.

Appelons-le des « bâtons », par opposition à toutes ces « carottes » que l’État finit invariable­ment par accorder à nos médecins, telles ces « primes » (dont la « jaquette » !) exposées par notre Bureau d’enquête en 2017 (plusieurs ont été abolies… ou renommées depuis).

Quant aux bâtons, ils n’ont jamais été utilisés. Le premier ministre Couillard et son secrétaire général Roberto Iglesias avaient préféré freiner leur bouillant ministre : « On a plus à craindre des médecins en colère que de la population en colère » est une phrase (scandaleus­e !) qui aurait été prononcée à l’époque.

SIMPLICITÉ

Décrivons les bâtons. Puisque la loi 20 est déjà votée et sanctionné­e, il ne resterait au Conseil des ministres qu’à adopter un règlement (s’appliquant après 45 jours de consultati­ons) où il chiffrerai­t les objectifs de productivi­té pour les médecins, sous peine de pénalités. À l’article 6 de la loi 20, le gouverneme­nt a entre autres le droit de déterminer un « nombre minimal de patients » dont chaque médecin doit « assurer le suivi médical ». Ainsi qu’un « nombre minimal » d’heures d’activité médicale à exercer.

Ce serait jouissif que le gouverneme­nt les utilise enfin, ces bâtons. Les omnipratic­iens coûtent grosso modo 3,2 G$ de rémunérati­on par année ! Or, le citoyen québécois peine à obtenir un rendez-vous avec eux. Ce n’est pas normal.

Les anciennes méthodes ne fonctionne­nt manifestem­ent pas. Les médecins risquent la surdose de carottes. On doit se rendre à l’évidence : sans paramètres précis, peu importe le mode de rémunérati­on (à l’acte, forfaitair­e, capitation, salariat), le public québécois n’en a pas pour son argent.

GUERRE

Dans les officines gouverneme­ntales, des sources m’expliquent que si le gouverneme­nt décidait d’utiliser les « bâtons de Barrette », ce serait la guerre.

Les médecins s’engageraie­nt dans une bataille judiciaire « nucléaire » où tout le monde finirait perdant. De plus, le gouverneme­nt Couillard a déjà écrit noir sur blanc, dans une entente, qu’il promettait de ne jamais mettre en oeuvre aucun des bâtons inclus dans sa loi 20. Selon certains juristes, ce précédent neutralise­rait les bâtons pour toujours…

Malgré tout, ces bâtons s’apparenten­t à une sorte de loi spéciale. Le gouverneme­nt aurait bien tort de ne pas brandir ces armes. L’incertitud­e ? François Legault gardera-t-il le cap sur ce « bout », lui qui, on l’a vu encore la semaine dernière, semble faire preuve, dans sa gouverne, d’une « constante inconstanc­e » (selon la formule de Josée Legault) ? Et en l’absence de bâton, pourrons-nous, au moins, obtenir, de la part des médecins, des livrables mesurables ?

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