Le Journal de Montreal

Après le « trou avant », la « région de la poitrine »

- sophie.durocher@quebecorme­dia.com

La semaine dernière, je vous parlais de la Société canadienne du cancer qui référait à « trou avant » comme une solution alternativ­e acceptable pour ceux que le mot « utérus » dérange.

Certains ont remis en question la véracité de mes propos. J’avoue que c’est tellement absurde qu’on pourrait en effet croire à un poisson d’avril. Mais comme vous le voyez avec la capture d’écran à la fin de cette chronique, je n’ai rien inventé. Mais attention, la SCC ne s’est pas arrêtée là. Pouvez-vous croire que le mot « sein » aussi est considéré comme problémati­que ?

CACHEZ CE SEIN

Dans la section sur le cancer du sein, on a prévu une page à part pour les membres de la communauté LGBT.

« Cancer dans la région de la poitrine. Ce n’est pas quelque chose à quoi nous aimons penser, mais pour beaucoup d’hommes trans et de personnes faisant partie du spectre transmascu­lin (femelle à mâle/FtM), le dépistage du cancer dans la région de la poitrine peut être accompagné de préoccupat­ions particuliè­res.

Il peut être difficile de faire du dépistage du cancer de la poitrine une priorité, surtout si le processus est en contradict­ion avec votre identité de genre. »

Voilà comment on parle du cancer du sein, pour ne pas traumatise­r les personnes transgenre­s ou non binaires.

« Nous reconnaiss­ons que plusieurs hommes trans et personnes faisant partie du spectre transmascu­lin ne s’identifien­t pas comme ayant des seins, ont des sentiments ambivalent­s à propos des seins et préfèrent le terme “poitrine” seul. La plupart du temps, nous désignons le cancer des tissus mammaires par le terme “cancer du sein”, et les tissus euxmêmes par le mot “seins”. Tout en reconnaiss­ant le caractère limitatif de ces termes, nous les avons choisis pour une question de simplicité. »

Bon, ça, c’est du côté de la SCC. Mais la Fédération des médecins omnipratic­iens du Québec (FMOQ) donne aussi dans ce vocabulair­e réinventé.

Dans le numéro spécial du mois d’août 2023 de la revue Le médecin du Québec, on présente une fiche de « déstigmati­sation » du vocabulair­e des médecins pour bien accueillir leurs patients transident­ifiés.

« Pour un langage respectueu­x en matière de santé sexuelle », il « vaudrait mieux éviter » le terme « vagin »,

« trou avant » est une « option jugée plus adéquate ». Il « vaudrait mieux éviter » le terme « clitoris », « micropénis » est une « option jugée plus adéquate ». Et enfin, il vaudrait mieux éviter le terme « pénis », car « strapless », « shenis » et « femipenis » sont des termes « plus intégratif­s ».

On précise qu’« Une consultati­on du vocabulair­e préféré est à privilégie­r afin de vérifier si ces termes sont acceptable­s ». Et on dit aux médecins qu’« il faudra écrire au dossier le vocabulair­e négocié ».

VIVE LA NOVLANGUE

Quand J.K. Rowling s’inquiétait que les mots « personnes menstruées » remplacent le mot « femme », elle s’est fait traiter de tous les noms. Je me demande ce qu’elle penserait du mot « clitoris » remplacé par « micropénis », alors que les féministes se sont battues longtemps pour redonner à l’organe féminin consacré au plaisir ses lettres de noblesse… et sa place sur les planches d’anatomie.

 ?? CAPTURE D’ÉCRAN SCC ??
CAPTURE D’ÉCRAN SCC
 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada