Le Thursday’s de la rue Crescent vendu pour 4,3 M$ de moins que son évaluation
L’édifice abritant le célèbre resto-bar, fermé depuis 2020, a été acheté par une société à numéro pour 5 M$
Après des années sur le marché, l’édifice de l’emblématique restobar montréalais Le Thursday’s, sur la rue Crescent, vient finalement d’être vendu pour la moitié de son évaluation municipale, a appris
Une compagnie à numéro, apparentée à la société immobilière Prime Properties, dont les bénéficiaires ultimes sont situés dans les Bahamas, un paradis fiscal, a acheté l’édifice cinq millions de dollars des mains du fondateur et tenancier du mythique établissement, Bernard Ragueneau, aujourd’hui retraité.
Prime Properties est un important acteur du marché immobilier du centreville de Montréal. Son président fondateur, l’homme d’affaires Karsten Rumpf, a fait fortune dans l’immobilier. À une autre époque, il a en outre oeuvré dans l’exploitation d’arcades et de peep-shows, à Montréal.
Prime Properties a attiré l’attention ces dernières années pour avoir, en pleine crise du logement, loué à la multinationale Sonder, géant de la location à court terme, la totalité d’une tour neuve de 157 appartements du centre-ville de Montréal, à un jet de pierre de l’université Concordia.
UNE TERRASSE SUR LE TOIT
Karsten Rumpf n’a pu nous accorder une entrevue. Mais par l’intermédiaire de deux collaborateurs, autorisés à répondre à nos questions, l’homme d’affaires se montre rassurant quant à l’avenir de l’édifice de la rue Crescent.
Il assure n’avoir aucune intention de démolir l’immeuble patrimonial (construit en 1885) pour y ériger une tour à condos, non plus d’en changer la vocation pour le transformer en établissement hôtelier ou destiné à l’hébergement court terme.
«Au contraire, explique Christopher Rundle, vice-président de l’agence immobilière CBRE, l’intention du nouveau propriétaire est de reprendre l’immeuble pour ce qu’il est, tenter de lui redonner ses lettres de noblesse en occupant de nouveau tous les étages, et ainsi contribuer à redynamiser la rue Crescent.»
Pour y parvenir, Prime a laissé tomber l’idée de dénicher un locataire, capable à lui seul d’occuper les trois niveaux du bâtiment. Le rez-de-chaussée et l’étage ont déjà trouvé preneurs.
Ne resterait plus qu’à trouver un troisième locataire pour occuper l’étage du haut, lequel pourrait très bien donner lieu à l’ajout d’une terrasse sur le toit, laisse entendre CBRE. Les discussions iraient bon train avec plusieurs groupes, soutient M. Rundle, mais on doute que le tout soit complété à temps pour le Grand Prix F1 qui approche.
Selon l’acte de vente signé devant notaire le 12 avril dernier, l’édifice de 1650 mètres carrés (17 764 pi2) sur trois étages a été acheté sans garantie légale par son nouveau propriétaire. En ajoutant les taxes de vente (748 750 $) et les droits de mutation applicables (362 217 $), l’édifice s’est envolé pour un total de 6,11 M$.
PRIX EN BAISSE
Il s’agit d’une fraction du prix qu’espérait son propriétaire, Bernard Ragueneau, et de l’évaluation que la Ville lui attribuait jusqu’à récemment. Au dernier rôle d’évaluation, l’ensemble de la propriété (terrain et bâtiment) s’était vu attribuer une valeur de 9,3 millions $.
Fort d’une telle évaluation, M. Ragueneau espérait en tirer plus d’une dizaine de millions de dollars. C’était évidemment avant la pandémie... Selon M. Rundle, expert en immobilier, cette baisse importante de valeur s’expliquerait surtout par un centre-ville qui tente toujours de retrouver son public.
La désertion du centre-ville par les entreprises et les télétravailleurs, les difficultés de circulation et de stationnement automobiles, les travaux de réfection de la rue Sainte-Catherine qui n’en finissent plus, sont autant d’éléments qui concourent à expliquer l’escompte obtenu par le clan Rumpf.