La construction plus rapide des infrastructures au Québec demeure un mythe… pour l’instant
Ainsi, après avoir inlassablement accordé des contrats de construction dont la réalisation a été longue et trop coûteuse, le gouvernement aurait trouvé la formule magique pour que tous s’attellent à aller plus vite, et possiblement au détriment de leur profit ? On ne peut s’empêcher d’être perplexe.
Le mode collaboratif de construction des infrastructures publiques existe dans d’autres législations.
Les entreprises ont l’occasion d’aider le donneur d’ouvrage dans la précision de son besoin afin de réduire les risques à assumer, notamment.
Québec veut aussi être plus créatif pour jeter les bases d’édifices standardisés, comme des écoles qui seraient construites à la chaîne, en ayant recours aussi à des modules préfabriqués.
Le ministre Jonatan Julien et la Société québécoise des infrastructures (SQI) affirment que des projets pilotes d’écoles construites en ayant recours à ce mode ont permis des économies de coût de 15 % dans les deux dernières années.
VRAIES ÉCONOMIES ?
Au risque d’être rabat-joie, je signale que dans un audit 2021-2022, le Vérificateur général du Québec (VG) concluait que « les pratiques de la SQI ne sont pas toujours cohérentes ».
Le VG reprochait à la société de modifier la durée planifiée de l’étape de la réalisation d’un projet en cours de route, sans approbation, alors que l’échéancier était inscrit dans le dossier d’affaires approuvé par le Conseil des ministres.
Des manoeuvres du même type étaient observées sur le plan financier, ce qui « ne permet pas de connaître l’écart entre le coût réel d’un projet et le budget autorisé au départ ».
C’est un premier élément suscitant le scepticisme à l’égard de réelles économies réalisées.
ET LES COMMANDES
De plus, le gouvernement reste celui qui passe les commandes.
Prenons l’exemple de la future agence Mobilité Infra Québec, vouée à la livraison des projets de transport complexes.
Si pour des motifs politiques le gouvernement exige d’inclure des éléments qui retardent la concrétisation, il y aura encore perte de temps et d’argent.
On pense ici au fait que la CAQ avait demandé au ministère des Transports de permettre le transport lourd dans son projet de troisième lien sous forme de tunnel, alors que la pente ne le permettait tout simplement pas.
D’autres tentatives d’aller plus vite ont aussi donné des résultats mitigés.
On se rappelle Sonia LeBel, qui avait fait adopter la loi 66, devant mettre sur la voie rapide 181 projets d’infrastructures.
Un an et demi plus tard, en 2022, La Presse avait démontré que la moitié était toujours en phase de planification ou à l’étude seulement.
Bien sûr, il faudra juger l’arbre à ses fruits, mais à l’instar de la réforme Dubé en santé, ça prendra du temps.
Il a fallu près de cinq mois après l’adoption de la loi créant Santé Québec pour que le ministre nomme la « top gun » qui en aura le contrôle.
Pour l’agence Mobilité Infra Québec, la loi sera adoptée vers la fin de l’automne prochain.
Avant qu’il y ait un ou une PDG, et qu’il constitue son équipe, l’année 2025 sera bien entamée, de sorte qu’au moment de la campagne électorale 2026, elle aura à peine commencé ses premiers projets.
Ce n’est pas une raison pour ne pas se lancer.
Il y a eu tant d’exemples de mauvaise planification, comme l’hôpital de Fleurimont, pour ne nommer que celui-là, dont le budget est passé de 197 à 344 M$, alors que pourtant seulement 9 % de la hausse était dû à un changement de portée du projet. C’est gênant, et il faut faire mieux. Mais il y a des raisons de douter. L’avenir dira si le mythe peut devenir réalité.