Le Journal de Montreal

Quand les Québécois se délivrent des endormisse­urs fédéralist­es

J’essaie de comprendre ce qui pousse certains commentate­urs à décréter que l’appui à la souveraine­té est congelé, et qu’il est inimaginab­le de le voir augmenter significat­ivement dans les années à venir.

- Mathieu bock-cote mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com

Peut-être sont-ils enfermés dans une vision à très court terme de la vie politique. Ils entendent le chef du PQ tenir un discours, ils vérifient si les aiguilles des sondages bougent immédiatem­ent, elles ne bougent pas, du coup, ils décrètent que la cause nationale est bloquée, que les Québécois ne veulent pas en entendre parler.

Je les invite à prendre un peu de hauteur, à renouer avec ce qu’on pourrait appeler le temps long.

1995

Que s’est-il passé au Québec depuis 1995 ? On a assisté à une dislocatio­n progressiv­e, mais profonde de la question nationale. Les Québécois ne voulaient plus en entendre parler.

La défaite du camp du Oui leur avait fait mal : ils préférèren­t, pour un temps, refouler ce traumatism­e, faire comme si rien ne s’était passé, et passer à autre chose.

Et pendant 20 ans, près de 25 ans, même, la question nationale a été laissée dans les marges du débat public.

Le souveraini­sme devenait un marqueur génération­nel.

On a même cru voir disparaîtr­e le principal parti indépendan­tiste, historique­ment porteur de cette option, le Parti Québécois.

Au même moment, le discours public dominant diabolisai­t le nationalis­me.

On l’assimilait au racisme, à la xénophobie, au nationalis­me ethnique, à la fermeture à l’autre.

Les fédéralist­es sont ainsi parvenus à créer un réflexe pavlovien autour du référendum chez les Québécois, en leur laissant croire qu’il s’agissait d’une expérience aussi agréable qu’une colonoscop­ie à froid, au petit matin.

Le discours public dominant ramenait aussi la politique à la banalité de la vie quotidienn­e, au nom des supposées « vraies affaires ». Il transforma­it les citoyens en individus enfermés dans leur vie privée.

Certes, il y avait encore quelques convaincus comme moi qui plaidaient pour l’indépendan­ce. Ils savaient au fond d’eux-mêmes qu’ils faisaient l’expérience de la traversée du désert, mais espéraient que les circonstan­ces feraient remonter à la surface l’aspiration à un État indépendan­t.

Nous avons recommencé à reprendre espoir avec le retour de la question identitair­e, au moment de la crise des accommodem­ents raisonnabl­es en 2007-2008, quand les Québécois ont clairement rejeté l’idéologie multicultu­raliste.

Mais les Québécois ne faisaient mentalemen­t que la moitié du chemin. Ils critiquaie­nt le multicultu­ralisme, et se permirent ensuite de critiquer l’immigratio­n massive, sans faire le lien avec le régime canadien. Je note que c’est en train de changer.

RÉVEIL

J’en reviens alors à l’essentiel : après un quart de siècle d’endormisse­ment collectif, causé en bonne partie par des endormisse­urs profession­nels, les Québécois redécouvre­nt la question nationale. Ils redécouvre­nt l’indépendan­ce. Ils redécouvre­nt le camp du Oui. Ils redécouvre­nt tout cela pour de bonnes raisons avec de nouveaux leaders.

Il est normal que cela ne se fasse pas en six mois.

Mais bientôt, les aiguilles des sondages bougeront.

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Les Québécois redécouvre­nt la question nationale. Ils redécouvre­nt l’indépendan­ce. Ils redécouvre­nt le camp du Oui.
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