Quand les Québécois se délivrent des endormisseurs fédéralistes
J’essaie de comprendre ce qui pousse certains commentateurs à décréter que l’appui à la souveraineté est congelé, et qu’il est inimaginable de le voir augmenter significativement dans les années à venir.
Peut-être sont-ils enfermés dans une vision à très court terme de la vie politique. Ils entendent le chef du PQ tenir un discours, ils vérifient si les aiguilles des sondages bougent immédiatement, elles ne bougent pas, du coup, ils décrètent que la cause nationale est bloquée, que les Québécois ne veulent pas en entendre parler.
Je les invite à prendre un peu de hauteur, à renouer avec ce qu’on pourrait appeler le temps long.
1995
Que s’est-il passé au Québec depuis 1995 ? On a assisté à une dislocation progressive, mais profonde de la question nationale. Les Québécois ne voulaient plus en entendre parler.
La défaite du camp du Oui leur avait fait mal : ils préférèrent, pour un temps, refouler ce traumatisme, faire comme si rien ne s’était passé, et passer à autre chose.
Et pendant 20 ans, près de 25 ans, même, la question nationale a été laissée dans les marges du débat public.
Le souverainisme devenait un marqueur générationnel.
On a même cru voir disparaître le principal parti indépendantiste, historiquement porteur de cette option, le Parti Québécois.
Au même moment, le discours public dominant diabolisait le nationalisme.
On l’assimilait au racisme, à la xénophobie, au nationalisme ethnique, à la fermeture à l’autre.
Les fédéralistes sont ainsi parvenus à créer un réflexe pavlovien autour du référendum chez les Québécois, en leur laissant croire qu’il s’agissait d’une expérience aussi agréable qu’une colonoscopie à froid, au petit matin.
Le discours public dominant ramenait aussi la politique à la banalité de la vie quotidienne, au nom des supposées « vraies affaires ». Il transformait les citoyens en individus enfermés dans leur vie privée.
Certes, il y avait encore quelques convaincus comme moi qui plaidaient pour l’indépendance. Ils savaient au fond d’eux-mêmes qu’ils faisaient l’expérience de la traversée du désert, mais espéraient que les circonstances feraient remonter à la surface l’aspiration à un État indépendant.
Nous avons recommencé à reprendre espoir avec le retour de la question identitaire, au moment de la crise des accommodements raisonnables en 2007-2008, quand les Québécois ont clairement rejeté l’idéologie multiculturaliste.
Mais les Québécois ne faisaient mentalement que la moitié du chemin. Ils critiquaient le multiculturalisme, et se permirent ensuite de critiquer l’immigration massive, sans faire le lien avec le régime canadien. Je note que c’est en train de changer.
RÉVEIL
J’en reviens alors à l’essentiel : après un quart de siècle d’endormissement collectif, causé en bonne partie par des endormisseurs professionnels, les Québécois redécouvrent la question nationale. Ils redécouvrent l’indépendance. Ils redécouvrent le camp du Oui. Ils redécouvrent tout cela pour de bonnes raisons avec de nouveaux leaders.
Il est normal que cela ne se fasse pas en six mois.
Mais bientôt, les aiguilles des sondages bougeront.