Des artistes revisitent le passé du Village historique acadien
Depuis près de deux semaines, la Gare du Village historique acadien s’est transformée en studio d’art. Hugo Rioux de Caraquet et Pascal Picard de Jonquière sont inspirés par l’atelier d’imprimerie du 19e siècle pour créer des oeuvres qui témoignent de la richesse du lieu et de son histoire.
Les deux artistes qui possèdent une belle feuille de route présenteront le fruit de leurs recherches lors d’une présentation publique dimanche au VHA. Cette résidence intitulée Une île-village, une traverse du temps organisée par le Centre d’artistes Constellation bleue en partenariat avec la Fondation culturelle acadienne et le VHA leur a permis de s’installer sur les lieux pour entreprendre leur projet de création et récolter beaucoup d’informations ainsi que des images.
Hugo Rioux qui se passionne pour la gravure a voulu en connaître davantage sur la presse ancestrale qui se trouve au village.
«Et aussi juste de vivre au village acadien, ça avait l’air d’une super expérience, ça fait que je suis sauté sur l’occasion», a confié entrevue l’artiste graveur.
Son projet consiste à créer un journal artistique illustré d’après une technique d’imprimerie traditionnelle avec les presses d’antan. Il a réalisé des gravures de lieux et d’événements du village qui l’ont marqué: magasin général, station-service Irving et l’imprimeur en action. L’objectif est aussi d’écrire des articles journalistiques sur le village acadien qui traite du passé. Il a utilisé du papier blanc, mais aussi du papier fait main, texturé, mentionne-t-il. «J’ai récolté beaucoup d’informations, je me suis mis dans la peau d’un journaliste et je suis allé enregistrer, poser des questions pour avoir les discours de chacune des places représentées dans l’article pour pouvoir pondre un article actuel du village acadien.»
Hugo Rioux convient que le processus a représenté un apprentissage qui est arrivé avec son lot de défis. «Au début, je voulais faire une page de journal, mais j’ai vu la tâche qui était à accomplir en deux semaines pour placer chacune des lettres (comme dans le temps). À l’époque, ils étaient 10 personnes à faire ça pendant 16 heures pour faire une page. J’avoue que j’ai raccourci mon texte. J’ai trouvé une autre option aussi, j’ai sorti mon dactylo pour écrire l’article afin de compenser. Je vais pouvoir quand même imprimer l’article à la main.»
D’UN IMPRIMEUR À L’AUTRE
Le portraitiste Pascal Picard qui a choisi la sérigraphie comme moyen d’expression a été attiré par cette résidence hors du temps pour plusieurs raisons.
«Mes dernières expositions parlaient des diverses réalités, réalité actuelle, augmentée, virtuelle et actuelle. Et là, cette proposition-là m’amenait dans le passé, donc c’est une autre réalité, une réalité temporelle, je vous dirais. Je trouvais ça intéressant d’être encore dans mon milieu de recherche et de pouvoir appliquer ça avec une temporalité et non pas une réalité plus numérique.»
Par un heureux hasard, les deux artistes travaillent avec l’imprimerie du village. D’un imprimeur à l’autre est le titre de son projet qui explore la relation entre l’artisan et l’artiste du passé et d’aujourd’hui.
«J’essaie de prouver que les deux font encore communion aujourd’hui, mais en relation justement avec ce qui se passait dans le temps. Donc comment un imprimeur du passé et un imprimeur d’aujourd’hui peuvent avoir des points communs plus qu’on pense.»
Pascal Picard se bâtit une banque d’images et d’archives depuis deux semaines.
«J’ai profité du moment pour utiliser un ancien procédé photographique qui s’appelle le “cyanotype”. C’est une des premières façons de développer des photos grâce à la lumière du soleil (mélange de deux poussières de fer qui deviennent sensibles à la lumière). C’était utilisé à peu près dans le même temps que l’imprimerie du XIXe siècle, donc ça a commencé vers 1840 ou 1850 si ma mémoire est bonne, par un Allemand dénommé Herschel.»
Il a suivi l’imprimeur dans son quotidien comme s’il avait vécu au Village historique acadien, mais aussi dans le futur. L’artiste s’est rendu dans plusieurs commerces de Caraquet pour réaliser des photos.
«C’est important pour moi de mettre la personne dans son époque, mais aussi de la transposer dans une autre réalité. […] Il y a eu une réception magnifique des commerces, des gens, beaucoup de curiosité, beaucoup de discussions en ville. C’était vraiment très impressionnant pour ma part.»
Une fois la résidence terminée, les artistes repartiront chacun dans leur atelier respectif avec leurs documents et leurs archives pour réaliser des oeuvres en vue d’une exposition solo à la Galerie d’art Bernard-Jean en 2025 ou 2026.
Hugo Rioux et Pascal Picard offrent une présentation publique dimanche à 14h à la Salle Antoine Landry à l’accueil du VHA.
Leurs archives, leur récolte d’informations et les oeuvres en processus de création seront accrochées le temps de la démonstration publique.
«On va faire un topo de nos recherches devant public, montrer ce qu’on a fait, puis discuter avec le public, parler des contraintes qu’il y a eu, des aboutissements, de l’année qui s’en vient parce que la prise d’archives débouche sur une exposition solo pour chacun, donc il reste quand même un an de création devant nous», a ajouté Pascal Picard. ■