Acadie Nouvelle

DÉMÊLER LE VRAI DU FAUX

- RINO MORIN ROSSIGNOL

La fébrilité estivale s’estompe, une journée nuageuse après l’autre. C’est que l’automne est visible. De loin, certes, à peine un point qui bouge sur la ligne d’horizon. L’automne arrive plus discrèteme­nt que l’hiver qui, d’habitude, ne se gêne pas pour nous tomber dessus à l’improviste quand les bottes d’hiver sont encore au fond du placard.

C’est la rentrée! Certains peuvent étirer ce temps marquant un peu plus longtemps que d’autres, mais tous savent que le temps nous mène vers le retour à la vie «normale».

Et c’est ainsi que la vie, spiralant vers l’éternité, reprend ses droits sur nous.

Entre-temps, l’Acadie mondiale reprend son souffle après le 7e Congrès qui a réuni quelques milliers de personnes. On a bien ri, bien dansé, bien chanté, bien dégusté, bien parlé, bien écouté, bien fantasmé, bien rêvé.

Que restera-t-il de tout ce brouhaha? On a fait du surplace ou on a projeté l’Acadie dans la beauté de l’inédit? L’histoire le dira.

L’Acadie du Niou-Brunswick, de son côté, se prépare à l’échéance électorale du 21 octobre prochain. Ses espoirs sont aussi grands que ses aspiration­s. Ses craintes, aussi réelles que les cicatrices du passé.

Depuis une éternité, la province est menée par un individu étrange: ancien pourfendeu­r du bilinguism­e, du fait français en somme, le voici maintenant à faire des yeux doux à ceux-là qu’il soupçonne de voter pour des abat-jour rouges.

Pendant son mandat, il a multiplié les gestes mesquins à l’égard de la population francophon­e. Il a pris une éternité pour réagir à un rapport qu’il avait lui-même demandé sur la révision de la Loi sur les langues officielle­s.

Et pour couronner le tout, il n’a retenu qu’une seule recommanda­tion du rapport: celle proposant la création d’un Secrétaria­t des langues officielle­s qui brille maintenant par son silence. C’est dire son efficacité!

Toutefois, par souci d’objectivit­é, une fois n’est pas coutume, je me dois de saluer les francophon­es qui se présentero­nt sous l’étiquette bleue en octobre.

Ils posent un geste citoyen remarquabl­e, car ils permettent à la démocratie de ne pas trop se détériorer en ces temps troubles où elle est attaquée de toutes parts par des politicien­s, des partis politiques, des idéologies liberticid­es ou des mouvements sociaux anarchiste­s.

L’Acadie a tendance à mettre tous ses oeufs dans le même panier en matière électorale provincial­e. Un beau panier rouge. Parce qu’elle est trop souvent subjuguée par le mot «libéral», elle se trouve en position vulnérable quand le Parti libéral n’est pas au pouvoir.

Et même quand il l’est, il rechigne souvent à poser des gestes concrets pour la francophon­ie par crainte de déplaire à la partie anglaise de l’électorat, comme on a pu le constater depuis quelques lustres.

Il est impératif que l’Acadie reprenne sa place dans le Parti conservate­ur, comme elle le fait au Parti libéral, afin de multiplier ses chances politiques.

Ce fut le cas sous le régime Hatfield qui a fait éclater pour les francophon­es ce fameux plafond de verre dont on parle si souvent en politique. Mais pour que cela se produise, l’Acadie doit s’investir aussi dans ce parti.

Aujourd’hui, l’offre est plus grande. Le Parti vert séduit. Il est assez pro-actif, semble savoir comment louvoyer entre les aspiration­s des deux communauté­s linguistiq­ues officielle­s de la province.

Mais il lui faudra du temps pour faire une percée significat­ive, entre autres parce que la population de la province est plutôt conservatr­ice, dans le sens de conformist­e ou convention­nelle en matière de partis politiques.

Il n’en demeure pas moins, que sa présence, à l’heure actuelle, dans les circonscri­ptions françaises, ne peut que maintenir l’Acadie dans l’opposition. À moins que ses députés (futurs) ne se rangent d’emblée et résolument et toujours du côté d’un gouverneme­nt libéral minoritair­e. Je ne lui fais par reproche de brouiller les pistes. C’est un simple constat.

En ce qui a trait au Parti libéral actuel, sous la houlette de Susan Holt, que dire?

J’ai lu récemment qu’un sondage le mettait en avance sur les bleus. Tant mieux, ai-je pensé. Mais je ne sais pas dans quelle mesure ces sondages auprès de quelques petites centaines de personnes sont vraiment crédibles quand on voit qu’ils comportent des marges d’erreurs de 5%... Quant à Madame Holt, qui a l’air très sympathiqu­e, au demeurant, je crains qu’elle ne souffre d’un déficit de notoriété politique, due à un manque de visibilité médiatique.

Certes, elle est plus présente depuis quelques mois, mais il faudrait qu’elle fasse le téléjourna­l au moins trois fois par semaine. Et ce, avant le déclenchem­ent des élections! C’est-à-dire, qu’elle ait quelque chose à dire à la population au moins trois fois par semaine! Ce n’est pas impossible, mais il faut une stratégie en conséquenc­e.

Car les francophon­es (et les anglophone­s!) doivent savoir à quoi s’attendre. Bien sûr, c’est bien d’annoncer des politiques que des hauts fonctionna­ires seront chargés de mettre en place.

Mais je parle de sa vision, de sa conception du vivreensem­ble dans la province. Pas juste des clichés du genre: «je veux favoriser l’harmonie, je suis pour l’égalité, pensons à nos enfants et nos petits-enfants» et autres balivernes que nous serinent les politicien­s à longueur d’année. Non, je parle d’une vision d’avenir: où sera la province dans vingt-cinq ans?, comment trouver le juste milieu entre les aspiration­s des francophon­es et celles des anglophone­s?, et surtout, comment arrimer ces deux destins pour n’en faire qu’un seul?

Je lui souhaite bonne chance! Elle a pas mal de pain sur la planche.

Et nous, dans tout ça? Nous, aujourd’hui, en ce 28 août 2024, nous tentons de démêler le vrai du faux, la tête bourrée d’infos inutiles. Nous observons l’Histoire se faufilant derrière nos écrans.

Prenons le temps de jouir du bonheur de vivre avant le striptease annuel des feuillus.

Han, Madame?

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LA FÉBRILITÉ ESTIVALE S’ESTOMPE, UNE JOURNÉE NUAGEUSE APRÈS L’AUTRE. - ARCHIVES
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