Tout est parfait si l’on ignore l’inévitable
Il semble que nous allons ignorer la crise mondiale du climat, jusqu’à ce que nous ne puissions plus l’ignorer. Jusqu’à ce qu’il y ait tellement de désastres non naturels répétés que les compagnies d’assurance commencent à tomber en faillite, graduellement puis soudainement. Jusqu’à ce que le chaos économique s’installe et que les gouvernements soient incapables de faire face à la situation. Aucun gouvernement ne pourra tout faire: aider les victimes du climat, éteindre les incendies, sauver l’économie et les programmes sociaux, secourir le secteur de l’assurance, reconstruire les réseaux électriques, les ponts et les systèmes de distribution d’eau, et assurer la gestion des écoles et des soins de santé.
Mais il ne faut pas sous-estimer notre capacité à continuer à vivre dans le déni. On ne veut pas déranger nos vies. Refuser de voir les choses en face nous donne l’impression de nous en sortir. En fermant les yeux sur les scénarios de mauvaises nouvelles, on rend tout cela possible.
Sur le plan individuel, on ignore parfois les signaux d’alerte dans nos relations, notre santé et nos finances, jusqu’à ce que les conséquences se fassent sentir.
Une société fait de même: elle ignore les signes et remet à plus tard, jusqu’à ce qu’une crise éclate. Nous conspirons ensemble pour rester silencieux ou, tout au plus, pour faire semblant d’accepter les réalités inconfortables. Cela est souvent possible grâce à l’aide de partis politiques irresponsables et d’autres opportunistes qui inventent des histoires réconfortantes pour neutraliser nos peurs: «Ces lumières braquées sur vous ne sont pas celles d’un poids lourd, c’est juste une étoile».
L’OTAN, cette puissante alliance militaire qui n’est pas connue pour être un défenseur de l’environnement, a récemment publié un rapport concluant que la crise climatique aura un impact sur ses capacités sur terre, dans le ciel, dans le cyberespace et dans le cosmos, tout en augmentant le risque de conflits, de migrations massives de populations et de perturbations des chaînes d’approvisionnement en raison de la déstabilisation de l’environnement et de l’économie. La chaleur extrême déformera les routes et les rails, ce qui affectera les actions au sol, et le changement de salinité des océans affectera les sonars. Ajoutez à cela la vulnérabilité de nos ordinateurs et du monde des technologies de l’information due à la concentration et à l’absence de réglementation, et notre accès à l’argent, au travail, à la nourriture et à l’énergie est doublement menacé.
Selon les scientifiques du monde entier, nous avons déjà mis en danger un monde vivable, une opinion acceptée par les gouvernements du monde entier aux Nations unies. Pour éviter une crise climatique, nous aurions dû agir plus tôt. Pour éviter l’enfer climatique, nous devons agir au plus tard cette année. Les carburants fossiles nous tuent et coûtent plus cher que les énergies durables. Si vous vous souciez de vos descendants, il faut arrêter le poids lourd qui arrive.
Heureusement, comme le disent ces mêmes scientifiques, «nous savons ce qu’il faut faire, et nous pouvons déjà en faire beaucoup». Le prix à payer pour mettre fin à la crise est faible, surtout si l’on considère le coût d’une crise encore plus grave.
Comme l’a dit l’homme d’État français Léon Gambetta en 1887, souvenez-vous de ce maçon tombé du cinquième étage d’un immeuble et qui, lorsque quelqu’un au troisième étage lui a demandé comment il se portait, a répondu: «Pas mal jusqu’à présent, mais ça se verra à la fin».
Le changement climatique est graduel, puis il sera total d’un seul coup. ■