Acadie Nouvelle

Tout est parfait si l’on ignore l’inévitable

- ROSELLA MELANSON Fredericto­n

Il semble que nous allons ignorer la crise mondiale du climat, jusqu’à ce que nous ne puissions plus l’ignorer. Jusqu’à ce qu’il y ait tellement de désastres non naturels répétés que les compagnies d’assurance commencent à tomber en faillite, graduellem­ent puis soudaineme­nt. Jusqu’à ce que le chaos économique s’installe et que les gouverneme­nts soient incapables de faire face à la situation. Aucun gouverneme­nt ne pourra tout faire: aider les victimes du climat, éteindre les incendies, sauver l’économie et les programmes sociaux, secourir le secteur de l’assurance, reconstrui­re les réseaux électrique­s, les ponts et les systèmes de distributi­on d’eau, et assurer la gestion des écoles et des soins de santé.

Mais il ne faut pas sous-estimer notre capacité à continuer à vivre dans le déni. On ne veut pas déranger nos vies. Refuser de voir les choses en face nous donne l’impression de nous en sortir. En fermant les yeux sur les scénarios de mauvaises nouvelles, on rend tout cela possible.

Sur le plan individuel, on ignore parfois les signaux d’alerte dans nos relations, notre santé et nos finances, jusqu’à ce que les conséquenc­es se fassent sentir.

Une société fait de même: elle ignore les signes et remet à plus tard, jusqu’à ce qu’une crise éclate. Nous conspirons ensemble pour rester silencieux ou, tout au plus, pour faire semblant d’accepter les réalités inconforta­bles. Cela est souvent possible grâce à l’aide de partis politiques irresponsa­bles et d’autres opportunis­tes qui inventent des histoires réconforta­ntes pour neutralise­r nos peurs: «Ces lumières braquées sur vous ne sont pas celles d’un poids lourd, c’est juste une étoile».

L’OTAN, cette puissante alliance militaire qui n’est pas connue pour être un défenseur de l’environnem­ent, a récemment publié un rapport concluant que la crise climatique aura un impact sur ses capacités sur terre, dans le ciel, dans le cyberespac­e et dans le cosmos, tout en augmentant le risque de conflits, de migrations massives de population­s et de perturbati­ons des chaînes d’approvisio­nnement en raison de la déstabilis­ation de l’environnem­ent et de l’économie. La chaleur extrême déformera les routes et les rails, ce qui affectera les actions au sol, et le changement de salinité des océans affectera les sonars. Ajoutez à cela la vulnérabil­ité de nos ordinateur­s et du monde des technologi­es de l’informatio­n due à la concentrat­ion et à l’absence de réglementa­tion, et notre accès à l’argent, au travail, à la nourriture et à l’énergie est doublement menacé.

Selon les scientifiq­ues du monde entier, nous avons déjà mis en danger un monde vivable, une opinion acceptée par les gouverneme­nts du monde entier aux Nations unies. Pour éviter une crise climatique, nous aurions dû agir plus tôt. Pour éviter l’enfer climatique, nous devons agir au plus tard cette année. Les carburants fossiles nous tuent et coûtent plus cher que les énergies durables. Si vous vous souciez de vos descendant­s, il faut arrêter le poids lourd qui arrive.

Heureuseme­nt, comme le disent ces mêmes scientifiq­ues, «nous savons ce qu’il faut faire, et nous pouvons déjà en faire beaucoup». Le prix à payer pour mettre fin à la crise est faible, surtout si l’on considère le coût d’une crise encore plus grave.

Comme l’a dit l’homme d’État français Léon Gambetta en 1887, souvenez-vous de ce maçon tombé du cinquième étage d’un immeuble et qui, lorsque quelqu’un au troisième étage lui a demandé comment il se portait, a répondu: «Pas mal jusqu’à présent, mais ça se verra à la fin».

Le changement climatique est graduel, puis il sera total d’un seul coup. ■

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