UN MINIMUM DE TRANSPARENCE, EST-CE VRAIMENT TROP DEMANDER?
Le Réseau de santé Vitalité est à nouveau dans l’eau chaude en raison des infirmières itinérantes qu’il a embauchées à fort prix. C’est toutefois le manque de transparence auquel s’est buté à son tour le vérificateur général qui est préoccupant.
Les Réseaux de la santé Horizon et Vitalité, de même que le ministère du Développement social ont fait appel au cours des dernières années à des infirmières d’agences privées. La facture est salée: environ 175 millions $. Elle n’a pas fini de grimper. Les contrats les plus coûteux ont été signés par la régie francophone.
Cette stratégie a été mise en place dans le plus grand secret. C’est une enquête du Globe and Mail qui a démontré à quel point notre système de santé est dépendant de ces agences. Canadian Health Labs, basée à Toronto, a obtenu la plus grosse part du gâteau. Elle facture jusqu’à 300$ l’heure ses services d’infirmières.
Il est clair que Vitalité s’est fait rouler dans la farine. La régie a signé des contrats dont les clauses avantagent les agences de façon indécente. «Une escroquerie des contribuables», a tranché, avec raison, le député libéral Rob McKee.
Le premier ministre Blaine Higgs a aussi partagé sa frustration. Celle-ci est d’autant plus grande qu’il a resserré son contrôle sur les deux régies et les avait même mises sous tutelle. Néanmoins, nous ne jetons pas la pierre au Réseau de santé Vitalité. Sans les infirmières embauchées à prix d’or, il aurait été impossible de maintenir les services essentiels dans tous les hôpitaux, en particulier pendant la pandémie. Il aurait fallu fermer pendant des mois le service d’urgence de certains établissements. Vous n’êtes pas convaincus? Au Québec, le gouvernement Legault n’a pas interdit l’utilisation des agences privées. Il a toutefois plafonné leurs tarifs, ce qui a eu pour effet de dissuader des dizaines d’infirmières de se déplacer dans les régions plus isolées, notamment la Côte-Nord et l’Abitibi.
Le choc a été brutal. Les réseaux de santé ont annoncé que des patients allaient être déplacés dans d’autres villes. Ceux qui refusaient le transfert allaient devoir payer une partie des coûts de leur séjour à l’hôpital.
Le gouvernement du Québec a réagi en créant une «équipe volante publique». Plus de 300 infirmières de partout dans la province se sont portées volontaires en échange de conditions salariales avantageuses.
Imaginez maintenant le gouvernement Higgs interdire l’embauche d’infirmières du privé ou plafonner leur rémunération au point de les décourager à se déplacer dans le nord du Nouveau-Brunswick. Vous rêvez en couleurs si vous croyez qu’il mettrait en place une équipe volante ou toute autre mesure spéciale pour empêcher la fermeture d’un service d’urgence à Campbellton ou à Edmundston.
Le Réseau de santé Vitalité devait sauver les meubles et a pris les grands moyens pour y arriver. Le problème, c’est le culte du secret qui gangrène cette organisation.
Le réseau a tout fait pour garder le secret sur ses contrats confidentiels afin de se protéger des critiques. Il a mis aussi des bâtons dans les roues du bureau du vérificateur général. Dans son rapport, Paul Martin révèle que Vitalité a réalisé trois audits internes sur le contrat avec Canadian Health Labs, mais a refusé d’en partager le contenu en prétextant qu’ils sont «protégés par privilège».
Cette résistance ne nous étonne pas. L’Acadie Nouvelle s’est souvent butée au cours des années au manque de transparence de Vitalité. Le vérificateur général connaît la loi, ses responsabilités et ses limites. Affirmer qu’il ne devrait pas avoir accès aux informations qu’il réclame, sous prétexte qu’il pourrait les utiliser de manière irresponsable ou en non-respect de la législation, est risible.
Le vérificateur Martin songe à s’adresser aux tribunaux pour forcer la régie à lui remettre les documents réclamés. Nous l’invitons à agir sans attendre.
Le Réseau de santé Vitalité a eu raison de faire appel aux infirmières voyageuses. En négociant avec un fusil sur la tempe, il s’est toutefois placé dans une position de grande vulnérabilité. Les agences ont profité de celle-ci.
Vitalité a une obligation de transparence. La PDG France Desrosiers et le président Thomas Soucy ont le devoir de rendre publics les documents pertinents, y compris les contrats et les audits.