Un visage de plus en plus anglais
Le centre culturel acadien de Moncton s’y appelle Aberdeen. C’est une ancienne école dont le grand-père de Stephen Harper a déjà été le directeur.
Le restaurant végétarien à la mode pas très loin s’appelle Calactus. Il appartient à un Acadien. L’établissement porte un nom latin. Je n’arrive plus à m’y faire servir en français.
L’édifice l’Assomption un peu plus bas a été vendu et le A qu’il arborait est tranquillement en train de manquer d’énergie. La place Downing occupe dix fois l’espace de la ruelle du Sommet. Downing, comme la rue où habite le premier ministre d’Angleterre, n’est-ce pas. Plus loin, le nouvel hôtel s’appelle Hyatt. Hyatt comme le grand hôtel londonien. Juste à côté, Tannery Place accueille la nouvelle version de la succursale UNI. Le site web de Tannery Place est en anglais et ce, même s’il y a des Acadiens parmi les propriétaires. Le nom du Centre Avenir sera à revendre dans quelques années.
La ville de Moncton «boom» et malgré le fait que ce sont des Acadiens qui sous-tendent une grande partie de ce dynamisme, Moncton se donne un visage de plus en plus anglais. La devise des entrepreneurs diplômés de l’Université est qu’ils ne sont pas en affaires pour promouvoir l’identité acadienne, mais bel et bien pour faire de l’argent. Qu’on s’appelle Pizza Delight ou Acadia Construction.
Moncton s’érige sur des mensonges depuis toujours, on dirait. C’est dans cette ville que la colline que vous venez de descendre est en réalité une colline qui monte. C’est dans cette ville qu’une rivière qui a coulé vers l’Est toute la matinée remonte vers l’Ouest tout l’après-midi. Cette ville qu’on nous dit si anglaise a pourtant été fondée par des Allemands. La Préd’en Haut qu’il y avait avant la Déportation a donné lieu à la rue Highfield. Et le chemin la Montain (comme à Memramcook) est devenu la Mountain Road. Mais le département d’histoire acadienne de l’Université de Moncton nommée en l’honneur du «déportateur en chef» ne le sait pas. Il ne faut surtout pas déranger ces mythiques anglais qui sont si épeurants à nos yeux (bien qu’ils n’existent plus). ■